Ernie Pyle, c’est le correspondant de guerre le plus célèbre du monde, celui qui a gagné le Pulitzer pour raconter la vie du bleu-bite un peu partout pendant la deuxième guerre mondiale avant de mourir avec eux sur les plages d’Okinawa… Pratt en fera même une bande dessinée sous le nom à peine camouflé d’Ernie Pike, c’est dire si vous n’avez aucune excuse de ne pas connaitre…


En 1945, Wellman et sa tripotée de scénaristes s’inspirent directement de ses reportages pour en faire ce film, véritable carnet de bord du troufion fantassin, une balade des sans espoirs entre l’Afrique du Nord et la Sicile, la marche sur Rome aussi, avec les ellipses judicieuses entraînées par les errements du journaleux qui s’efforce de revenir de temps en temps vers son bataillon préféré, celui de Mitchum, Compagnie C du 18° régiment d’infanterie, avec un chien mascotte baptisé « l’Arable », un sergent qui rêve d’entendre la voix de son fils, un rital dragueur et le concentré de gosses habituel, le trop grand, le trop timide, celui qui a encore du duvet sur les joues, le geignard… Ils sont braves malgré eux, las surtout, à la fois aigris et fier d’être dans la boue et non dans les airs, rêvant de chez eux la gamelle aux lèvres et le sang du voisin sur les genoux.


Derrière un classicisme à toute épreuve dominé par sa mise en scène de haut vol, des décors prestigieux et une superbe photographie par Russell Metty, le film distille une impression de chronique réaliste assez inhabituelle, grâce à sa construction errante, son réalisme aussi, au plus près des événements, avec parfois les soldats mêmes qui participent à la reconstitution, et la preuve qu’il ne faut pas attendre les années quatre-vingt pour rendre la guerre affreusement sale et humide…


Tout le monde est parfait dans ces réunions d’amitiés masculines qu’affectionne tant Wellman, j’ai une tendresse particulière pour Freddie Steele, grosse brute bouleversante et je découvre que Burgess Meredith, celui qui interprète Ernie, a toujours été vieux, même avant d’entraîner Rocky… il a alors 38 ans, cinq de moins que le rôle mais il en fait bien cinq de plus, c’est comme ça, certains ne restent jamais jeune longtemps mais durent infiniment dans un semblant de vieillesse trompeuse… Il a bien la trogne du vrai Pyle ceci dit, la distance pudique et fraternelle aussi…


Et puis, il y a Bob, pas l’assistant, ce brave Aldrich, non, l’autre, Mitchum, le lieutenant-capitaine à la barbe altière, débordant de charisme et de virile présence, une sorte d’icone trop proche de ses hommes, béni des dieux sans importance, un désespéré qui fait le job, quitte à philosopher parfois une cuisse de dinde dans une main, une bouteille de grappa dans l’autre et l’assoupissement au bout du chemin. De ce film, Mitchum fera la carrière que l’on connait, comme une évidence, le regard de cocker triste sous le casque en biais, le menton en pointe et la mèche folle, les épaules voutées mais le torse bombé, Mitchum, déjà, toujours…

Torpenn

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