Le western est un genre d'une richesse infinie qui autorise toutes les libertés, tous les styles et tous les registres : drame, comédie, picaresque, aventure ... Il n'a pas besoin d'être réinventé, même si son âge d'or est lointain : il s'auto-alimente sans peine autour de quelques constantes : des colts, de la poussière et des paysages grandioses (on peut y ajouter des indiens et un shérif mais ce n'est pas indispensable). Puisqu'il n'a plus rien à prouver, Jacques Audiard entre dans cet univers avec une certaine humilité. Son scénario n'a rien d'époustouflant, a priori, avec une intrigue qui tourne autour d'une chasse à l'homme menée par deux frères, au temps de la ruée vers l'or, de l'Oregon à la Californie. Mais on connait le cinéaste et sa capacité à donner de l'épaisseur à n'importe quel récit. Progressivement, les Frères Sisters se charge d'une densité et d'une profondeur qui passent non pas par des scènes spectaculaires mais beaucoup par des dialogues entre ces deux frères, dont le portrait ne cesse de s'affiner, un pari risqué, mais tenu haut la main. Pour la forme, c'est à dire l'image, pas d'inquiétude, elle est somptueuse, dans cette Amérique sauvage qui découvre la modernité à travers des idées nouvelles et des innovations techniques et/ou hygiéniques (le dentifrice, la chasse d'eau). Le plus étonnant est de voir cette chevauchée que l'on attend sanglante se transformer en épopée sentimentale et fraternelle comme quoi à l'ouest il peut y a voir quelque chose de nouveau. Et quelle direction d'acteurs : Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal et John C. Reilly sont à redécouvrir, débarrassés, surtout le premier, de quelques-uns de leurs tics de comédiens. Les frères Sisters, malgré une dose de violence obligatoire, va tout droit vers l'apaisement et une certaine sérénité. Etonnant et exaltant.