Les Frissons de l’Angoisse est souvent considéré comme un point culminant de la carrière de Dario Argento par ses forts points communs avec Suspiria.


En effet, on y retrouve des images et une photographie de l’architecture particulièrement maîtrisées. Sont une nouvelle fois au rendez-vous autant de signes maniaques dans l’esthétisation des intérieurs que d’accès de folie aux mains gantées chers à cette horrible ville de Rome. On se régale des scènes de tension et de meurtre par leur brutalité au sens graphique incontestable. D’autant que la teneur du mystère reste épaisse jusqu’à la résolution qui apporte la dernière couche de peinture à ce tableau grotesque et macabre. Même les habitués des serial killers ne pourront contenir un frisson sur des détails charnels tout à fait retors dans l’exécution des victimes. Ainsi Argento nous montre que sa compréhension de ce qu’avait initié Hitchcock quelques années auparavant avec Psychose est la bonne. Sa science du montage et du hors-champ est excellente, et il vient apporter sa touche personnelle avec des alternances de gros plans sur les points d’impact (ce que s’était interdit Alfred d’ailleurs) pour nous laisser forger l’image générale de la douleur dans notre imagination. Car en effet, on ne voit aucun visage se tordant de douleur, simplement le travail de précision du tueur. Par ailleurs, le leitmotiv faisant de tout espace de vie (la maison ou l’appartement) un espace de mort et à l’inverse l’extérieur devenant systématiquement un espace de salut est bien respecté, jusque dans la révélation ultime. C’est une construction commune aux films d’horreur de l’époque, mais qui est ici un pilier dans l’angoisse du spectateur.


Autre point commun avec Suspiria ; la musique entraînante et hypnotique à la fois, donnant naissance à des effets de style assez inattendus. Maintenant l’utilisation de cette musique nous permet de basculer sur ce qui fonctionne moins dans Les Frissons de l’Angoisse. Ainsi, la musique de Goblin est parfois utilisée de façon critiquable. Là où on aimerait l’entendre spécifiquement à chaque crime (et à chaque fois jusqu’à une phase musicale supplémentaire, à la manière d’un morceau de rock progressif), celle-ci s’invite de manière parfois intempestive. On repense à la scène de la première visite de la villa où elle vient plus annuler la touche de mystère qu’autre chose (pour malheureusement nous rappeler ce mauvais goût propre aux séries B des 70’s). On pourrait justifier l’utilisation de cette musique par la présence du personnage principal dans le berceau du tueur (donc par cohérence scénaristique), cependant cela nuit tout de même à la construction de l’atmosphère qui est bien plus précieuse. Il faut reconnaître que l’ambiance sonore est malgré tout très réussie, même si l’on touche parfois dangereusement la limite avec la cacophonie.


Reste le plus gros défaut du film : son rythme et ses deux personnages principaux. La galvanisation procurée par les meurtres est telle que les scènes de dialogues (qui s’alternent de façon particulièrement mécaniques) viennent durement nous frustrer dans une attente poussive. Les dialogues entre Marcus et Gianna sont terriblement artificiels, tout comme leur relation. Et les touches d’humour quasi permanentes lors de leurs interactions viennent désamorcer toute la tension liée à l’enquête policière. Il est amusant de voir que le premier film d’Argento, L’Oiseau au plumage de cristal tient un scénario en tout point similaire mais décide de garder tout son sérieux et ne montre que les dialogues faisant avancer l’intrigue (car les personnages n’ont que peu d’intérêt et c’est donc heureux). Là où les progrès de mise en scène et de symbolique sont irréfutables dans Les Frissons de L’Angoisse, le sens du rythme est perdu.


Néanmoins, ce film reste un très bon concentré de Rococo all’Argento en alternance de rouges et de blancs, à déguster seul ou entre amis dignes de confiance.

Raging_Bull
7
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le 23 avr. 2021

Critique lue 57 fois

Raging_Bull

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