Les Furies
7
Les Furies

Film de Anthony Mann (1950)

oct 2010 :

Il me faudra y retourner sur celui-là, je n'ai pas l'impression d'avoir bien suivi. L'édition Criterion est superbe, mais la vivacité des dialogues et les particularités vocabulaires du grand ouest, associés à un accent et une diction des personnages pour le moins colorés m'ont fait perdre parfois la subtilité des échanges.
Mon état de fatigue en cette fin de soirée m'a bien malmené ensuite.
Bref, je ne suis pas certain d'avoir bien tout assimilé et entendu.

J'ai bien compris que le film est d'une richesse toute Mannienne, encore que je le suppose même plus profond encore qu'à l'habitude. L'action n'a finalement que peu de place ici devant la très ambigüe relation père-fille qui lie Walter Huston et Barbara Stanwyck.

Western très psychologique, quasi incestueux, très affectif dirons-nous pour couper court à quelque chose que je ne maîtriserai pas tant que je ne le reverrai pas.

Même si j'étais pas loin de comater (j'exagère un chouïa pour fleurir le propos), j'ai quand même bien remarquer la fin gâchée, j'ai envie de dire bâclée, n'ayons pas peur des mots.

***SPOILER:
On a l'impression désagréable que le happy-end arrive de manière peu crédible. Comment Vance peut-elle "oublier" l'atroce assassinat de son ami-amour Juan, en pardonnant en deux coups de cuillère à pot à ce père qui l'a reniée sans remords, pour ne pas lui léguer les Furies. Un père qui semble avoir des sentiments qui volent du noir au blanc en un éclair sans la moindre profondeur, sans le commencement d'un regard critique sur celles et ceux qui l'entourent, ni encore moins sur lui-même.
***fin du SPOILER

J'ai été étonné par la photographie par moments extrêmement sombre. Les silhouettes, plutôt les légers halos de pâleur dans les ténèbres offrent un curieux spectacle de spectres et sons mystérieux, inquiétants fantômes ou monstres tapis. C'est plutôt couillu de prendre de tels risques de mise en scène pour un western.

Bref, un très intéressant western, de ceux qu'on évoque avec respect mêlé d'admiration, de ceux qui haussent le genre au plus haut. Plus qu'un très grand western, c'est un très grand film. Un film important, c'est pourquoi je le reverrais bien volontiers.

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Fev 2012:

Je ne sais pas trop pourquoi j'avais cru ne pas tout percuter des dialogues la première fois que je l'ai vu. En effet, l'accent est tranchant, mais les acteurs sont assez compréhensibles.

Quoiqu'il en soit, j'ai été une nouvelle fois confronté à ce plaisir que le cinéma d'Anthony Mann sais si bien nous procurer, cette sensation d'assister à un grand film, un western plus grand, plus haut, plus fort qu'à l'habitude, à un spectacle tragique, au-dessus de la mêlée des hommes, pour mieux en appréhender les coins et les recoins. Les westerns de Mann dépassent le genre en le manipulant de telle sorte que les ingrédients habituels s'en trouvent déviés pour ressortir neufs et profonds.

Ces "Furies" portent bien leur nom et donnent au western ses lettres de noblesse en le faisant rejoindre ses ancêtres antiques, ceux de la tragédie grecque. La relation plus qu'ambiguë, très physique et fusionnelle entre le père (Walter Huston) et la fille (Barbara Stanwyck) ressemble à ces histoires de tordus qui fondent les mythes immémoriaux ou même les cultures, les morales et les explications du monde.

Perturbant et beau, ce film n'est pas un frêle objet, il est massif comme ces blocs de pierre qui dévalent une falaise, il est vaste comme le ciel que les sempiternelles contre-plongées de Mann met toujours au dessus de ses personnages, comme pour les enfermer, les tenir sous le socle d'un univers fermé, comme si les astres devaient restés les seuls témoins (avec nous, spectateurs sacrés foutus privilégiés), lointains mais éternels. Il y a de l'immuable dans le cinéma d'Anthony Mann, de profondément métaphysique.

Peut-être moins présente toutefois que dans les autres créations de Mann, la nature est ici le jouet des convoitises de propriétaires terriens avides d'espaces et d'argent, elle souffle sur les braises de la cupidité de chacun avec beaucoup de force.

La photographie de Victor Milner joue beaucoup sur les soleils couchants, cette lumière entre chiens et loups. Le noir et le blanc est on ne peut plus approprié pour mettre en valeur la dérive de tous ces sentiments malheureux.

Dans ma première chronique, je fustigeais un dernier retournement du personnage joué par Barbara Stanwyck vis à vis d'un père qui l'avait abandonnée et était allé jusqu'à assassiner son meilleur ami. Effectivement, l'amour pour le paternel est bien le plus fort. Ce qui est le plus curieux, c'est qu'à ce second visionnage, je n'ai pas du tout été gêné par ce revirement, finalement tout à fait crédible, dans la droite ligne des perturbations que connaissent ces deux personnages.
Alligator
8
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le 20 avr. 2013

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Alligator

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