Les Gaous
3.5
Les Gaous

Film de Igor Sekulic (2003)

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Ah, voilà enfin les Gaous, objet de culte underground de longue date par un groupuscule nanarlandais. Et franchement, je ne m'attendais pas du tout à ça ! La jaquette vend une comédie de djeunz et à l'écran, on démarre avec un film français rural des années 60, entre Marcel Pagnol et le Gendarme de St Tropez. Ça sent bon la bouse de vache dans cette exploitation à l'ancienne où la jeune vachère anti-soutif donne envie de jouer à touche-pipi dans le foin. Mais problème, Maurice, bon gars à l'accent du terroir, il a p'têt le don de parler aux animaux (ce qui ne sera jamais exploité par le film), mais il est surtout puceau (ce qui ne sera pas beaucoup plus exploité). Et à son grand désespoir, le voilà parti à la capitale pour réclamer le préjudice financier d'une collision de voitures avec un Parisien fou furieux.


Ah c'était donc ça, le concept des Gaous : le choc des civilisations, la cambrousse à la ville, les bottes merdeuses face aux lascars voleurs de portable, les amateurs de bal populaire dans une teuf à l'américaine en pleine maison bourgeoise parisienne, le cataplasme et le chichon, le bon sens de la terre versus la frivolité excitée du cosmopolitisme (d'ailleurs, le parigot en balade le dira : "ce que j'aime à la campagne, c'est qu'il y a pas de noirs"). Les Gaous, le film de tous les clichés qu'il est pourtant censé dénoncer (selon son auteur).


Le spectateur a droit en premier lieu à un joli rassemblement de gloires du ciné français : Ticky Holgado, Régis & Laspalès, Bigard, Richard Borhinger (qui se croit encore dans le Grand Chemin). Et pour les plus experts, on a même Charlotte Julian (La Pension des surdoués !) et les figurations de Joël Cantona, Laurent Laffite et de Max Boublil.


Et à la réalisation, on reste dans les classiques car si Igor SK n'est pas connu (c'est sa seule réalisation, faut dire), on reconnait bien vite la patte de Jean-Marie Poiré, son maitre à penser (Igor Sekulik était son assistant réal et même producteur de titres comme... "Ma femme s'appelle Maurice") : rythme cocaïné sur montage sur-cuté ne laissant pas toujours le temps de comprendre ce qu'il se passe à l'écran, voire coupant ses (pseudo)gags sans leur laisser le temps d'être (pseudo)savourés. C'est toujours très confusionnant, surtout que le scénario part dans tous les sens en ouvrant plein de sous-intrigues qu'il ne conclut jamais vraiment (la virée de Bigard est ses potes), voire en se terminant sur des révélations familiales totalement à côté de la plaque.


Mais le summum de ce bordel, véritable trait de personnalité du film, c'est le choix des musiques : Igor SK a dit dans une interview qu'il avait d'abord choisi les styles qui lui plaisaient... au détriment de la cohérence de leur emploi. On se retrouve avec des mélanges de classiques et de punk-rock californiens qui s'enchainent n'importe comment et qui dans tous les cas ne collent pas aux séquences filmées. Le contraste est un émerveillement sans cesse renouvelé. Ce qui est étonnant, c'est que Igor SK était le producteur de la Team Nowhere (Pleymo, Enhancer Aqme, etc.) donc plutôt du neo-metal, ce qui ne s'entend jamais dans le film.


L'humour est quant à lui à l'avenant, avec des gags balancés à la va comme j'te pousse et des quiproquos nullissimes qui n'en finissent pas (le pote ganjaman autoproclamé Maurice Maurice qui est tantôt femme de ménage tantôt étudiant en médecine).


Que retenir de cet étrange mélange des genres qui fut en son temps un échec commercial : l'expression "moiss' bat'", les FX réussis pour Bigard en cul de jatte, Borhinger en père Bricard qui a abusé des escargots à l'ail (lol), le parisien raciste et hyperagressif qui s'en prend physiquement à toute personne qu'il croise, Hervé Lassince (le pote coiffeur a priori homo car c'est une comédie française) qui peut autant ressembler à Schwarzie qu'à Totof Lambert (mais le réalisateur préfère y voir Jim Carrey), le plaidoyer contre la déruralisation, les différentes affiches du film pour l'international (des choix graphiques étonnants) et bien entendu, la zik.


Bonne découverte nanar d'un gloubiboulga finalement assez original et que le temps risque de continuer à bien patiner.

Créée

le 12 mars 2017

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