Après une flanquée de courts et moyens métrages à l’univers très personnel, Bertrand Mandico s’aventure dans les terres du long avec Les Garçons Sauvages et nous embarque pour un voyage unique dont on ne ressortira pas indemne.


Jeunes canailles


Car c’est bien d’aventure et de voyage dont il sera question avec ces Garçons Sauvages. Un voyage à la fois extérieur et intérieur, celui de ces cinq jeunes garçons de bonnes familles envoyés au calvaire sur un bateau mené par un vieux loup de mer aux méthodes très personnelles. Une sentence tombée suite au viol et au meurtre commis par la bande sur leur professeur de français. Partant de cette base narrative, le film offre plus d’une surprise que l’on ne dévoilera pas ici, mais sachez dés lors que cette épopée ne ressemble à nulle autre. En imposant son univers et son esthétique unique, Bertrand Mandico, en plus de renouer avec un cinéma d’aventure d’antan, accouche d’une œuvre d’art complète et totale, où les termes « compromis » et « demi-mesure » n’ont pas lieu d’être.


Et dans le paysage monotone du cinéma français, ce récit onirique et décalé détonne. Après le très sympathique Revenge de Coralie Fargeat, voici donc un autre coup de pied donné dans la fourmilière endormie qu’est notre industrie cinématographique nationale. En créant à l’écran un univers singulier enrobé de poésie et saupoudré d’audace, Bertrand Mandico nous fait une proposition de cinéma tétanisante, bizarre et extraordinaire. En embrassant totalement son sujet et en n’ayant jamais peur du ridicule, le cinéaste permet à son film d’atteindre des hauteurs de beautés visuelles inespérées, à la symbolique toujours très profonde. Oui, Les Garçons Sauvages est improbable, étrange, déroutant… mais il l’est dans le contexte de son propre univers, celui d’un conte malade et sexuel, et ne subit, par conséquent, jamais l’écueil de la caricature. D’autant que le spectateur, même s’il s’avèrera ne pas être sensible à l’approche esthétique du film, aura toujours une histoire à suivre, car Les Garçons Sauvages ne tombe à aucun moment dans un cinéma expérimental et abstractif qui pourrait perdre le public en route. Le récit est concret et le réalisateur, tel le capitaine du bateau embarquant notre groupe d’adolescents, garde son cape, fermement et furieusement.


Mélange des genres


Sous cette histoire d’épopée dangereuse se dessine peu à peu un deuxième récit, fait de symboles et de métaphores. Le tableau peint par Mandico possède en effet plusieurs couches de peinture, certaines en noir et blanc, d’autres en couleur, quelques unes dont le sens sera évident et d’autres qui ne livreront pas toutes leurs clefs immédiatement… En naviguant sur différentes réalités, l’artiste nous perd au milieu d’une mer de rêves et d’hallucinations, au point que l’on ne sait parfois plus si l’on se trouve devant une image de l’esprit ou non. Et au final, peu importe, car toutes ces divagations se mélangeront pour ne former qu’un seul monde absolu, où cohabite réel irréel.


Telle une fleur qui ne s’ouvre qu’une fois que les rayons du soleil ont fait leur effet, la richesse thématique et réflective des Garçons Sauvages ne se dévoilera qu’au fil de plusieurs visionnages, ou bien dans les heures, voir les journées qui suivront la découverte de l’œuvre. Ces garçons en mal d’amour devront se perdre pour mieux se comprendre et subir une métamorphose inattendue et pourtant si évidente. Quelque part entre la fatalité salvatrice d’Orange Mécanique et le souffle épique des romans de Jules Verne, le film de Bertrand Mandico, bien que chargé de références, ne ressemble qu’à lui même. Les Garçons Sauvages est ainsi un long métrage à l’aspect volontairement daté mais aux propos on ne peut plus contemporains. L’approche très artisanale du réalisateur (le film est tourné sur pellicule et presque tous les trucages ont eu lieu sur le plateau) ne fera qu’augmenter la sensation de véracité de cette fable très graphique mais jamais vulgaire. Portée par une musique exceptionnelle, délicieusement parsemée le long de cette complexe quête d’identité, Les Garçons Sauvages parviendra à mettre à mal avec une facilité déconcertante des notions pourtant profondément encrées en nous.


N’ayant que faire des convenances et du politiquement correct, Bertrand Mandico et ses enfants insoumis bousculent bon nombre de nos idées reçues sur le cinéma et sur la vie avec un panache assez déroutant. Les Garçons Sauvages est une épopée peuplée de chimères et de légendes, remplis à la fois d’obscurité et de lumière, une œuvre à l’image de ses garçons : libre, entière, sauvage…


critique complète : https://www.watchingthescream.com/majeste-basventre-critique-garcons-sauvages/

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le 21 févr. 2018

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Aurélien Z

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