En 1971, l’écrivain William S. Burroughs publie « The Wild Boys : A Book of the Dead », un roman qui anticipe une année 1988 rendue chaotique par une bande d’adolescents homosexuels, un roman que Burroughs rêvait comme scénario de film pornographique.
En 2017, le réalisateur Bertrand Mandico réalise son premier long métrage, « Les garçons sauvages », en empruntant le titre et des bouts d’intrigue au roman de Burroughs mais également aux récits insulaires de Jules Verne et de Robert Louis Stevenson.
Ce film en noir et blanc traversé d’éclats de technicolor nous conte d’une voix off planante l’histoire de cinq adolescents de bonne et riche famille, une bande de garçons sauvages qui s’habillent de même façon pour leurs violentes virées. Une bande de garçons sauvages qui partagent quelques points communs avec la bande d’Alex DeLarge du livre/film « Orange Mécanique » : les droogs du film de Kubrick – particulièrement Alex – aiment la musique de Beethoven, boivent du lait drogué au sein d’une femme sculptée et partent en vadrouille pour de l’ultraviolence à gogo en arborant des masques ; les garçons sauvages de Mandico aiment Shakespeare, ils boivent du lait étrange à la sortie de plantes phalliques et sont connus pour leurs méfaits, notamment le viol inaugural de leur institutrice, masques en papier mâché au visage. Un viol puis meurtre qui amènera les parents des garçons à les confier à un capitaine peu engageant au pénis tatoué contre la promesse qu’ils reviendront - s’ils reviennent vivants – dociles et civilisés. Le capitaine traîne d’ailleurs en laisse un garçon en exemple pour une scène qui rappellera également fortement « Orange Mécanique » : le garçon docile forcé à lécher une semelle de chaussure dans l’un ; Alex conditionné et forcé à lécher une semelle de chaussure dans l’autre.
Les garçons sauvages partent donc sur le bateau du capitaine pour une île qui n’est sur aucune carte, une île singulière qui sent l’huître où ils trouveront le fameux lait, d’étranges fruits poilus ressemblant à des testicules, des plantes accueillantes pour s’enivrer d’orgasmes et, surtout, la transformation de leurs corps en femmes.
« Les garçons sauvages » est un film onirique et érotique, une fable fantastique sur l’adolescence qui se rapproche formellement du cinéma du canadien Guy Maddin et de son esthétique expérimentale, son usage du noir et blanc, ses décors artificiels rappelant les débuts du cinéma.
La bande originale signée Pierre Desprats est envoûtante, organique, faite ici de synthés rappelant le travail de Disasterpeace pour le film « It Follows » de David Robert Mitchell ou là de douces mélopées rappelant le travail d’Alain Goraguer pour le film « La Planète sauvage » de René Laloux.
Enfin, "Les garçons sauvages" est un film d'alchimiste, d'adolescents - droogs - devenant adolescentes propres à citer les sorcières du "Macbeth" de Shakespeare. Les cinq garçons échouent à citer la pièce au début du film, habillés et masqués ; les cinq filles à visages et corps découverts finissent par aller au bout de la scène, libres, sauvages.
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