Soyons clair : désormais, en tant que spectateur visionnant une scène classique de face à face final entre deux personnages principaux opposés, il sera très, très difficile de ne pas penser aux pas de danse de Chris Pratt.

La séquence en question se situe à la toute fin du film, au moment précis où TOUS les films du genre auraient misés sur un acte héroïque ou un discours grandiloquent du héros. L'acte héroïque vient tout de même, mais d'une manière tout à fait inattendue et après une diversion hilarante de Star-Lord. C'est un peu tout l'aspect du film, qui s'attelle régulièrement à créer de l'autodérision sur des bases pourtant inchangées.

Car l'arc narratif est EXACTEMENT le même que celui d'Avengers et à peu de choses près le même que tous les autres Marvel : remplacez le cube cosmique par l'Orbe, Loki par Ronan et la bataille de New-York par celle sur la planète extra-terrestre, et vous obtenez le schéma global des Gardiens. En réalité, James Gunn n'a pas vraiment cherché à produire autre chose que cela, il a cherché à produire cela différemment. L'enveloppe qu'on lui a envoyé avait changé, mais le cahier des charges à l'intérieur est resté le même. Donc chez Marvel, la confiance envers le box-office dépasse la crainte de l'essoufflement. Why not.

Le film débute pourtant de manière extrêmement grave : on y découvre Peter Quill gamin, casque dans les oreilles, mère décédée, se faire kidnappé par des extraterrestres. Vingt-six ans plus tard, Peter est un délinquant inter-galactique. Oui, un délinquant. Encore une fois, l'originalité recouvre seulement la surface : le héros est humain (parce que bon il faut quand même qu'on s'identifie un peu à lui) mais est aussi prétentieux et agaçant qu'un personnage qu'on aurait habituellement rangé du côté des "méchants". Cet esprit tordu, limite bad guy nous fait un bien fou, pourtant habitués au maquillage de la gravité par l'humour made in Marvel.

Ici, le concept est poussé à l'extrême : les blagues pleuvent, s'accumulent et sont drôles. On attendait sans doute à un peu plus de ce gras et de cette crasse promis par la presse mais on chipote presque : comment demeurer insensible au comique des personnages de Groot, ou même de Rocket Raccoon ? C'est clairement mission impossible si l'on est à minima amateur de l'humour premier degré, un peu bébête et enfantin que véhicule le film. Seulement, cet humour n'exerce pas un monopole absolu et laisse aussi la place à un jeu sur la déconstruction des codes un peu plus subtil : scène débordante de rire lorsque quatre des Gardiens se lèvent en cercle, l'air grave, décidés à combattre pour leur cause puis que le cinquième se lève à son tour et lance : "C'est bien on est debout, comme des cons. On est plus avancés maintenant ?". Le summum de l'auto-dérision est atteint pour cette franchise qui sera capable de nous pondre strictement la même scène filmée cette fois-ci de manière sérieuse dans un de ses prochains film. Ce recul pris par le réalisateur et toute l'équipe du film constitue sans doute la condition sine qua non pour pouvoir servir un produit si décomplexé à son spectateur.

Le plus bluffant est qu'au beau milieu de tout ça, Gunn arrive à nous livrer des séquences d'émotion particulièrement réussies et qui ne créent jamais un réel fossé avec la tonalité générale du film. Inutile de préciser combien les effets spéciaux sont réussis ; on notera toutefois un design global de space opera à la Star Wars plaisant et ultra cool, tout comme cette bande originale qui s'anonçait si prometteuse depuis le trailer lancé à fond les manettes par Hooked a Feeling. Et quelle bande originale ! Sorties d'un âge dont les plus jeunes ignorent tout (70s/80s/90s = vintage !), elles permettent aussi et surtout de distiller quelques références pour les jeunes et les moins jeunes papas. Awesome Mix Vol.1 est - osons - la meilleure BO de l'année pour le moment.

Ce nouveau Marvel est une réussite quasi totale, tant sur le plan de son excentricité gentille que sur celui du spectacle époustouflant - et pas seulement visuellement - qu'il propose. Sans doute plus qu'un film de super-héros efficace mais certainement moins que l'oeuvre barrée et totalement folle promise (donc attendue), Les Gardiens de la Galaxie est LE blockbuster de l'été, tout simplement.

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le 17 août 2014

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critikapab

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