Bah oui, la période scolaire touche à sa fin, je vais pouvoir me reposer pendant 2 mois avant de retrouver de nouveaux petits monstres à la rentrée (du moins je l'espère, n'étant pas encore nommé), et rien de tel pour marquer le coup que de regarder un film traitant de l'enseignement secondaire.


Faut savoir que je suis pas un très bon prof. Je n'ai pas beaucoup d'autorité. C'est mon gros problème. Et cela est dû à un manque de fermeté. J'y travaille, j'ai fait des progrès depuis l'an passé, mais je suis loin d'être aussi respecté que mes confrères. Cette année, j'ai commencé en étant plus strict, ce qui est bien, mais après les vacances de Carnaval, je ne sais pas pourquoi, j'ai été moins fort. Ben oui, une classe, il ne suffit pas de la gérer pendant un ou deux cours pour que ce soit bon pour toute l'année ; les petits monstres essaient plusieurs fois de repousser les limites. Il faut donc apprendre à être vigilent, ne pas se laisser piéger. Tout cela, je ne l'ai pas appris lors de mes stages. C'est tellement différent un vrai poste d'un an qu'un stage de deux semaines. On ne s'imagine pas quand on est encore étudiant. Pour en revenir à mon échec post-vacances de cette année, ça m'a fait encore plus mal que mon échec de l'an passé. Parce que justement je les ai plus ou moins bien tenu pendant plusieurs mois, je tombe de plus haut en quelques sortes. Mais ce n'est pas simple pour moi d'être autoritaire. Parce que je n'aime pas l'autorité, parce que je n'aime pas l'idée d'avoir des petits élèves modèles qui se taisent et exécutent mes ordres sans rechigner. Parce que c'est un cours d'art aussi et que j'aimerais laisser une place pour les élèves s'exprimer. Cette année, j'avais d'ailleurs entrepris de poser une petite boîte aux lettres dans la classe afin qu'ils puissent y glisser des mots, des poèmes, des dessins. Petit échec supplémentaire, j'ai surtout eu droit à des blagues, des choses ne correspondant pas à mes attentes. J'ai quand même eu un texte (je n'ai pas vérifié s'il avait été recopié ou inventé mais vu la syntaxe et l'âge de mes élèves, je pense que c'est un texte recopié), quelques révélations anonymes, quelques dessins sympathiques. Mais j'ai mis en place cette boîte un peu tardivement, lorsque je n'avais plus le parfait contrôle des élèves. L'année prochaine, il faudra que j'essaie d'être plus ferme, plus strict, voir ce que ça fait d'avoir des élèves qui ne bronchent pas. Est-ce que je peux en tirer quelques formes d'expressions si j'arrive à mettre en place ces conditions ? Je ne sais pas. C'est à tester.


Ce qui est embêtant avec les films sur l'enseignement, c'est que c'est impossible en 90 mn de retranscrire les réalités du terrain. Bon, le but n'est pas de retranscrire la réalité, mais si au moins on pouvait un peu mieux dépeindre ce qu'il s'y passe. Surtout que c'est du bon matériau pour une narration : des conflits en permanence, des personnages hauts en couleurs, des petits moments émouvants, de la comédie, du drame, ... tout Shakespeare se retrouve dans chaque école. Mais il y a tellement que c'est impossible. Ici par exemple, l'enseignant débarque et après quelques minutes (=quelques jours de cours) il parvient à les 'maîtriser' (ce n'est pas le bon terme mais vous me comprenez : l'entente avec les élèves devient bonne, il gagne en autorité alors que rien ne le laissait présager). C'est un peu facile. Mais bon, je ne vais pas commencer à chicaner, je sais que le but d'un film n'est pas d'être réaliste mais de dépeindre une réalité, celle du film.


Alors je vais parler en terme de narration. Car on peut s'indigner pour des choses similaires, il suffit juste de creuser les raisons. Et ce qui me gêne avec ce personnage, c'est qu'il évolue trop vite, qu'il change de telle façon qu'on oublie totalement sa première scène, c'est-à-dire quand il humilie ses élèves. Et on a du mal à croire que ce contact puisse le changer à ce point en si peu de temps. C'est comme si on avait deux personnages différents. C'est aussi un peu facile sur la fin : les gamins sont des personnages trop malléables, leur personnalité est censé s'affirmer alors qu'on voit surtout une caractérisation qui s'affaiblit. Certains thèmes sont sous-traités (certes, le héros est confronté à ses préjugés et les combat dans l'école, mais pour ce qui est du dehors, l'idée est suggérée au début mais - heureusement - vite abandonnée).


Pour le reste c'est bien amené : la romance ne déborde pas et l'auteur évite la résolution finale facile. Les conflits sont nombreux, on a des méchants, des gentils, des résolutions intéressantes. Des moments de comédie réussis et un minimum de drama. Des situations intéressantes et bien trouvées (la visite de Versaille est chouette). Des personnages secondaires bien écrits (chez les adultes).


La mise en scène est sympa. Un côté léché par moment qui ne sied pas forcément au reste du film plus naturaliste, mais ça n'est pas trop envahissant. Ce qui surprend le plus, c'est la BO, un peu éclectique, un peu rock 'n roll, un peu anglophone. Les acteurs sont très bons, le casting est nickel : Denis est parfait en prof et le p'tit black principal a vraiment une bonne bouille.


Bref, on se prend au jeu malgré les quelques faiblesses d'écriture, parce que les personnages et les acteurs sont chouettes, parce que les situations sont bien exploitées, parce qu'on sent une bonne ambiance de tournage (ou en tous cas c'est l'impression que ça donne).


Bon, ben moi j'ai plus qu'à terminer mes conseils de classe, mes réunions de parents, rendre mes clés, récupérer mes documents de temporaire et me la couler douce, heu je veux dire, faire mes bd pendant les vacances, préparer aussi la rentrée (en espérant qu'elle ait lieu) et puis me reposer aussi un peu, parce que cette année a été fatigante !

Fatpooper
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le 21 juin 2018

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