À l’heure des calendriers surchargés, des suites dispensables et des reboots en pagaille, Les Indestructibles 2 dénote : car par-delà un argumentaire nostalgique prégnant, quatorze années d’attente en attestant, Brad Bird nous aura concocté un récit faisant en tous points honneur à son aîné, divertissement et finesse d’écriture s’alliant dans un blockbuster d’animation familial sans pareil.
Forcément, cette production partait avec un avantage indéniable, les premières notes de la composition de Michael Giacchino ayant tôt fait de nous remuer savamment, mais le poids des espérances matérialisait une force à double tranchant : pourtant, Les Indestructibles 2 marque d’emblée des points au gré de son introduction sans ellipse temporelle, un parti pris scénaristique aussi malin qu’audacieux dans le contexte de la sortie, tant attendue, du film.
Qui plus est, alors que nous quittions, jouasses, la famille Parr en ne donnant pas cher de la peau du Démolisseur, celui-ci nous fait un pied-de-nez en quittant ses adversaires du jour sur un semblant de match nul amer : au diable l’ébullition enthousiasmante des débuts donc, l’affrontement tournant à la déconfiture fort d’un retour à la réalité hostile, la Loi prévalant encore et toujours dans un univers super-héroïque n’oubliant pas son indissociable facteur sociétal.
Tandis que la menace d’un retour à la case départ se dessine inexorablement, Les Indestructibles 2 embrasse un peu plus ce pan politique où le contrôle de l’opinion publique tient lieu d’indispensable stratégie, la réhabilitation de nos héros ne pouvant s’épargner ce travail de longue haleine : à partir de là, le long-métrage verse quelque peu dans la facilité, le mécène qu’est Winston et le poids de DEVTECH autorisant bien des raccourcis tout en rappelant Mirage et Syndrome, mais la mise en avant de Helen démontre d’une volonté de ne pas coller au précédentes tribulation secrètes de son mari.
Un entre-deux satisfaisant, d’autant que le film va s’avérer gagnant sur les deux tableaux : bien que séparés, le couple va révéler, si ce n’est affermir, des traits de caractères doués de nuances délectables tel que l’égoïsme tout relatif d’un Bob envieux. Le rayonnement de la gloire passée et l’adulation du plus grand nombre n’est pas mort, loin s’en faut, et leurs approfondissements respectifs vont parfaitement s’arquer autour du survol de leurs rejetons, ceux-ci servant davantage l’étiquette « action » du récit (si l’on excepte les affres sentimentales de Violet).
L’on touche alors l’autre facette aux deux versants des Indestructibles 2, les aventures d’Elastigirl accouchant de séquences visuellement renversantes là où le quotidien du foyer versera dans un humour brillant : sans jamais trop en faire, sachant même quand s’arrêter (après avoir passé un sale quart d’heure, l’obstiné raton-laveur n’apparaîtra plus), l’écriture de Bird voltige avec maestria d’un ton à l’autre au profit d’un cocktail, proprement, délectable.
Divertissement calibré sur mesure afin d’enjouer fans d’antan et nouveaux-venus, Les Indestructibles 2 échouera néanmoins à ne serait-ce qu’égaler son prédécesseur, la faute à une trame globalement plus prévisible : les motivations, un chouïa nébuleuses, de l’antagoniste mystère (que l’on devine aisément) abondent en ce sens, tandis que le film n’opère pas cette brillante alchimie entre légèreté atmosphérique et teneur plus sombre, chose que Les Indestructibles premier du nom était parvenu à produire.
Cependant, que l’on tienne compte ou non de l’influence de ce dernier, il s’agit bel et bien là d’une indubitable réussite de Bird and co, ici dressé en fer de lance d’un Pixar décidément plein de ressources : si l’exemple de Cars 2 pourrait agir tel un vilain contre-exemple, il n’en demeure pas moins que cette propension à ériger des suites foutrement malignes, au point de se muer en marque de fabrique inespérée, conforte à n’en plus finir le studio dans sa position de leader qualitatif - chose d’autant plus louable dans le cadre hollywoodien.
Bref, gageons que le succès des Indestructibles 2 nous épargnera une nouvelle attente lancinante, car l’espoir ne peut être qu’au beau fixe à l’idée d’un troisième opus tout aussi bien torché.