Les Indestructibles 2
7.2
Les Indestructibles 2

Long-métrage d'animation de Brad Bird (2018)

C'est toujours avec hâte que je vais au ciné pour voir le dernier Pixar en date, retrouvant avec plaisir les franchises m'ayant accompagné étant enfant, ado, adulte. Récemment, j'ai adoré Vice Versa, moins aimé Coco (mais pleuré quand même). C'est donc sans a priori négatif que je me blottis, comme un gamin, au sein d'un confortable siège rouge, dans une salle climatisée, m'apprêtant en cette période estivale à passer un agréable moment, au frais.


Le court-métrage précédant Les Indestructibles 2, pertinemment intitulé Bao, développe en quelques minutes des personnages attachants et une intrigue efficace, qui fait mouche en nous mettant immanquablement la larme à l’œil. La mouture Pixar 2018 augurait donc du meilleur.


La première heure des Indestructibles 2 m'a laissé sur ma faim : lente, caractérisant poussivement des personnages déjà connus, n'osant ni prendre le temps de présenter les héros aux nouveaux venus, ni de sauter cette étape, qui paraîtra laborieuse aux fans de la famille aux justaucorps rouges. Le comique, accessoire, semble se diluer dans un scénario qui peine à exposer ses enjeux.


Et pourtant, celui-ci est de taille : la famille Indestructible, ainsi que tous les "super" de la terre sont remis en question par les autorités compétentes (?) : ils coûtent trop cher, détruisent des biens publics, sans véritable efficacité. Les autorités compétentes (?) préfèrent dorénavant faire jouer les assurances. Cette rationalisation du métier de super-héros, idée plutôt bien venue, se révèlera mal exploitée.
Face au manque de reconnaissance héroïque, quoi de mieux pour redorer le blason de nos "super" maladroits, qu'une multinationale spécialisée dans la communication, dont l'héritier de PDG avait un papa entiché de super-héroïsme. L'idée : filmer les exploits de môman Indestructible façon GoPro, pour que les gens se rendent compte de son indiscutable coolitude, pendant que papa s'occupe des enfants, en mode Baby-sittor (avec Vin Diesel). Soit.
Pendant ce temps


le coup de théâtre final de la gentille inventeuse d'équipements high-tech qui copine avec môman Indestructible, mais-qui-finalement-se-révèlera-être-la-machiavélique-vilaine-de-l'histoire, se repère à 35000 kilomètres.


C'est donc avec un intérêt réduit à peau de chagrin que j'entame la deuxième moitié du film, qui a l'amabilité d'enfin commencer.


Le grand méchant Hypnotiseur frappe en envoyant sur les écrans du monde entier des ondes lui permettant de prendre possession des gens. Ce qui lui permet de saboter une émission de télé ; détourner un train : troubler l'ordre public. Simple, efficace.
On pourrait voir là une critique de la surconsommation déraisonnée d'écrans en tout genre, question contemporaine ô combien compliquée, qui mérité réflexion. Que nenni. N'est pas They Live qui veut.


S'ensuit une cascade d'aventures plus ou moins passionnantes, qui a le mérite de donner du rythme à un film qui peinait depuis une bonne heure et quart.
Le ressort comique se met enfin en marche, et il faut bien avouer que la découverte des pouvoirs de Jack Jack est plutôt marrante.
En revanche, la rencontre entre môman et les super-héros oubliés/inconnus, qui aurait pu, avec quelques idées, être amusante, se révèle décevante, ces derniers évoquant plutôt la ligue des super-héros ordinaires, faute à un character design désastreux.


A la fin,


la méchante est punie ; les gentils ont gagné.


En général, ça ne me gêne pas plus que ça : Pixar fait du divertissement de qualité, rempli d'idées originales et arrive toujours a suscité chez moi une grande émotion ; en général, la morale est sauve, et c'est tant mieux.
Cependant, quelque chose me chagrine ; plus j'y réfléchis, plus ça me gêne, plus ça me pique. Le méchant, à tendance sadique - il faut le reconnaître - avait également un mobile politique, qui passe dans le dénouement complètement à la trappe.
L'Hypnotiseur, dans une allocution pirate anonymouesque des plus dantesques, fustige l'inertie de la populace et sa propension à se déresponsabiliser. Ce méchant, dont le livre de chevet est indubitablement La Société du Spectacle de Debord, reproche aux gens de regarder la télé et manger des chips en contemplant les exploits des super-héros, qui font tout le sale boulot ; de marcher dans un "système" sans se poser de question. De là à y voir un miroir de notre société...
Que le méchant soit puni : d'accord. Il veut tuer. Mais que cet enjeu, assez audacieux pour un film d'animation tout public, soit balayé tel la poussière sous le tapis, me révolte complètement.


Je vous passe ma diatribe contre le fait que notre héritier de PDG ultra-libéral, copain des grands dirigeants de ce monde, ne soit que le candide de l'histoire, placé in fine dans le panier des gentils.


Les Indestructibles 2 m'a ennuyé, puis dérangé, pour me laisser dans la bouche le goût amer des rires qu'a provoqué chez moi les pitreries de Jack Jack. Une expérience plutôt désagréable.

Trafysion
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le 10 juil. 2018

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Trafysion

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