Les Indestructibles 2
7.2
Les Indestructibles 2

Long-métrage d'animation de Brad Bird (2018)

Si quatorze ans se sont écoulés pour le spectateur depuis les dernières aventures des Indestructibles pour nos protagonistes seules quelques minutes ont passées puisque Les Indestructibles 2 commence où le précédent s’est arrêté avec l’émergence du Démolisseur (Underminer en VO). La famille de super-héros Parr les parents Bob et Helen et leurs enfants Dash, Violet et le petit dernier Jack-jack évoluent toujours dans cet univers des années soixante fantasmé, époque qui a vu naître les Marvel Comics et les Fantastic four dont Les Indestructibles sont un analogue évident. Ils sont, ainsi que leur ami Frozone enrôlés par une compagnie dirigée par un frère et une sœur, Winston et Evelyn Deavor (jeu de mot avec endeavor qui signifie effort) qui veulent mener une opération publique en vue de réhabiliter l’image des super-héros auprès de l’opinion publique et pousser le gouvernement à révoquer la loi qui interdit leur activité. Ils choisissent Helen comme « produit d’appel » pour redonner une image positive des super-héros obligeant Bob à s’effacer pour s’occuper des enfants. Il accepte d’abord de bonne grâce pensant qu’une fois la loi révoquée il pourra rapidement reprendre ses activités mais la tache s’avère plus ardue qu’il ne le pensait alors qu’Helen s’épanouit dans son nouveau rôle et va se trouver confronter à un nouvel adversaire machiavélique : le Screenslaver (jeu de mot entre screensaver l’économiseur d’écran et enslaver = esclavagiste) Si Les Indestructibles était tout autant un hommage aux super-héros qu’aux James Bond des sixties, sa suite joue pleinement la carte super-héroïque avec l’introduction d’une mythologie plus large et d’autres héros costumés très réussis. A l’image du premier volet, avec Les Indestructibles 2 Brad Bird structure son film comme un film « traditionnel » dont les grandes scènes d’action s’intègrent à la manière d’un blockbuster classique ponctuant le développement des personnages et de l’intrigue. Elles sont de deux natures que Bird et ses équipes maîtrisent parfaitement : d’une part des scènes de poursuite ou de combats super-héroïques extrêmement cinétiques où le réalisateur de Mission impossible : Protocole Fantôme envoie aux spectateurs une foule d’informations tout en gardant une fluidité et une clarté dans la géographie de l’action, ponctuant leur déroulement d’idées de mise en scène ou de gags visuels exploitants les pouvoirs des divers héros. D’autre part des scènes purement burlesques héritées des cartoons comme une séquence où Bob tente de gérer les pouvoirs émergents de Jack-Jack qui entre en conflit avec un raton-laveur dans la tradition frénétique des cartoons de Chuck Jones. Le style visuel du film est évidemment superbe et on retiendra une séquence psychédélique ou Elastigirl affronte le méchant sous une lumière stroboscopique.


Comme dans le premier film la dynamique familiale et celle du couple Parr est tout aussi importante que les intrigues super-héroïques. Dans cette suite, Mr. Indestructible (Craig T. Nelson en VO – Gérard Lanvin en VF) doit s’occuper de son petit dernier, Jack-Jack, alors que le bébé est en train de développer des pouvoirs destructeurs, et que sa femme, Elastigirl, est partie sauver le monde. Un super-héros à la maison pendant que c’est une femme qui combat le Mal ? Si il ne faut pas surévaluer la portée « politique » du commentaire social sous-jacent à cette situation il est indéniable que cette thématique a une résonance particulière de nos jours. Il y a quelque chose de paradoxal à voir que des parents seront plus sensibles que les enfants auxquels le film est tout de même destiné en priorité? à certains aspects du film, en particulier la difficulté de s’occuper de ses enfants qui donnent lieu à des gags réussis (« les maths restent les maths »). Le film évoque également la jalousie professionnelle qui peut naître au sein du couple. Mais encore une fois Les Indestructibles 2 n’est pas un manifeste et Brad Bird a le bon gout de le faire par touches légères sans faire dérailler la narration. Dans ces séquences de comédie de mœurs Bird est aidé par son choix de comédiens au jeu parfaitement naturaliste au premier rang desquels Holly Hunter dont l’accent du sud contribue à ancrer ses personnages animés dans la réalité ou Catherine Keener (40 ans, toujours puceau, Get-out) .


Depuis que l’on sait Brad Bird sensible à l’objectivisme, la philosophie libertarienne développée par Ayn Rand célébrant entre autre l’idée de « l’égoïsme rationnel » une liberté individualiste de s’accomplir dans l’expression de son talent sans jamais céder à une préoccupation collective synonyme de médiocrité et de régression, on y guette souvent les allusions dans ses films. Par exemple dans le premier volet, le fait que nos héros soient contraints de dissimuler leurs talents pour se conformer à la masse, incarnée aussi par un méchant (Syndrome) dépourvu de talent, médiocre et envieux, illustre ces thèmes « randiens ». Ici on en retrouve des échos, que ce soit dans le discours tenu par nos héros sous l’emprise du méchant ou dans l’objectif de rendre leur liberté d’agir à des êtres exceptionnels. Mais comme pour le contenu social il ne faut pas trop projeter d’intentions idéologiques dans le film, d’une part car les thématiques qu’ils développent sont liées à la nature même du genre super-héroïque (on les retrouve de Watchmen à Civil War), de même que les motivations du méchant du film – l’idée que l’existence même des supers(-héros) empêchent l’homme de se réaliser – sont proches de celles du Lex Luthor des comics. D’autre part que les personnages de Brad Bird finissent toujours par mettre leurs pouvoirs au service d’un intérêt général.


Malgré ses qualités Les Indestructibles 2 n’est pas exempt de défauts, en offrant une suite dans la stricte continuité du premier Brad Bird joue la sécurité en misant sur la familiarité mais du coup ménage peu de surprises, le parcours est superbe mais très balisé. Par exemple la visite chez Edna Mode (auquel le réalisateur prête à nouveau sa voix en VO) aussi drôle qu’elle soit semble être une simple variation de celle du premier épisode même si on opposera sans doute que les visites de James Bond chez Q participent de la même répétition. Si Les Indestructibles 2 se présente comme un véritable film animé plus que comme juste un « dessin animé » et en dépit de la maturité de ses thèmes, la résolution de ses intrigues semble parfois légère. Enfin bien que nous aimions beaucoup les compositions de Michael Giacchino (Rogue One, Star Trek) son score nous a semblé trop omniprésent voire envahissant par moments, manquant des intonations « à la John Barry (compositeur des James Bond) du précédent. Mais ces quelques reproches sont des « soucis de riche » si le manque de surprises empêche Les Indestructibles 2 de faire partie de ces suites qui transcendent l’original, l’excellence de l’animation, la maîtrise de la mise en scène et le dynamisme des comédiens font du film un excellent blockbuster familial et une nouvelle réussite des studios Pixar.

PatriceSteibel
7
Écrit par

Créée

le 12 juin 2018

Critique lue 507 fois

5 j'aime

PatriceSteibel

Écrit par

Critique lue 507 fois

5

D'autres avis sur Les Indestructibles 2

Les Indestructibles 2
Behind_the_Mask
9

Les génies de la lampe

On ne dirait pas que l'on a attendu quelques quatorze années avant de revoir les Indestructibles. Vous vous souvenez du Démolisseur qui s'invitait dans les ultimes secondes de l'opus original ? Les...

le 30 juin 2018

66 j'aime

3

Les Indestructibles 2
Grard-Rocher
8

Critique de Les Indestructibles 2 par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Le temps paraît bien court à la famille Indestructible car les interventions de super-héros sont loin d'être mises à l'index. La situation se tend à nouveau après un récent passé mouvementé. En effet...

53 j'aime

18

Les Indestructibles 2
Vincent-Ruozzi
7

Family Affair

Les premières minutes du film Les Indestructibles 2 font prendre conscience de l'évolution de la qualité de l'animation en 14 ans, notamment pour la texture et les couleurs des personnages et décors...

le 6 juil. 2018

52 j'aime

8

Du même critique

Le Fondateur
PatriceSteibel
8

Ça s'est passé comme ça chez McDonald's

Parfois classicisme n’est pas un gros mot , Le Fondateur en est le parfait exemple. Le film , qui raconte l’histoire du fondateur de l’empire du fast food McDonalds, Ray Kroc interprété par Michael...

le 26 nov. 2016

58 j'aime

1

Star Wars - L'Ascension de Skywalker
PatriceSteibel
6

Critique de Star Wars - L'Ascension de Skywalker par PatriceSteibel

Depuis la dernière fois où J.J Abrams a pris les commandes d’un Star Wars il y a un grand trouble dans la Force. Gareth Edwards mis sous tutelle sur la fin du tournage de Rogue One, après une...

le 18 déc. 2019

41 j'aime

7

7 Psychopathes
PatriceSteibel
8

Une réjouissante réunion de dingues (et de grands acteurs)

Avec ce genre de comédie noire déjanté et un tel casting j'apprehendais un film ou le délire masquerait l'absence d'histoire et ou les acteurs cabotineraient en roue libre. Heureusement le...

le 5 déc. 2012

36 j'aime

9