D'accord c'est un remake d'un excellent film hong-kongais. Oui, c'est une décision commerciale parce qu'on ne peut pas décemment demander au grand public occidental de s'identifier aux soucis de deux asiatiques farcis d'un sens de l'honneur archaïque. C'est évident, et je suis rentré à fond dedans.
Scorsese a bon goût, il sait filmer et diriger les acteurs. Son seul défaut a toujours été les scénaristes avec lesquels ils travaillent depuis une dizaine d'année qui peuvent tout aussi bien foirer une adaptation (Shutter Island) qu'en rajouter des tonnes inutilement (Aviator). Il n'a jamais bien su sortir de son cadre, inventer et Gangs of New York reste une exception notable. Mais cette fois-ci il part d'une œuvre de qualité qui vit très bien sa vie dans le cercle des cinéphiles assoiffés de cinéma asiatique. Tout ceux qui "méritent" savent que Infernal Affairs est un bon film. Du coup, c'est un peu comme si les initiés refusaient à la masse de voir une bonne histoire. parce que globalement c'est la même histoire. Si l'on enlève la fin karmique et les séances de psy, c'est exactement la même chose. Et comme je le disais plus haut quand Scorsese bosse avec un bon scénario il fait de l'excellent boulot. Surtout quand on reste dans son univers de mafieux et de flics.
Parce que DiCaprio est devenu un excellent acteur avec le temps et qu'il est parfait dans le rôle du mec acculé et paranoïaque. Parce que Matt Damon transpire le petit con ambitieux et manipulateur. Parce que Nicholson est à la fois ridicule et terrifiant. Même derrière sa grande gueule et les montagnes de clichés il est absolument crédible quand il dirige sa bande de débiles. Parce que les acteurs qui jouent les flics sont bons (la triplette Baldwin, Sheen, Whalberg). et surtout que Scorsese sait tenir une caméra. Et il suffit de pas grand chose pour préférer celui-la à l'original. Un peu de mauvaise foi d'abord, puis une certaine préférence pour les gunfights réalistes dans une histoire réaliste au lieu d'une baston chorégraphiée et évidemment un background plus familier où il est plus facile de s'identifier. Et au final on finit par ressentir plus d'empathie pour Costigan, l'irlandais que pour Yan, le chinois. Mais ce n'est pas parce que Tony Leung est mauvais. Loin de là.
The Departed est un putain de bon film américain. Avec une histoire qui gagne en manichéisme (c'est bien dommage), mais qui gagne une toute autre dimension psychologique, une oppression particulière, un cachet certain... Et ça seul Scorsese pouvait l'apporter. Et si ça peut amener quelques bouffeurs de pop-corn à voir un bon film asiatique, je ne vois pas où est le mal.