"I don't want to be a product of my environment. I want my environment to be a product of me."

Si The Departed apparaît d'abord comme un pur film Scorsesien, avec tout ce que cela implique de violence et de morale bringuebalante, il présente un élément pas vraiment nouveau dans la filmographie du cinéaste, mais rarement évoqué de façon aussi frontale : la thématique de l'identité.


Comme souvent chez l'américain, les personnages se font symboles d'un plan qui les dépasse, dans le but d'obtenir une fable visant à décrire quelque chose d'universel. Mais ici, le sujet principal se divise en deux personnages. D'un côté Colin Sullivan/Matt Damon, apparence morale et agissements douteux, de l'autre Billy Costigan/Leonardo di Caprio, apparence douteuse et agissements moraux. Cette dualité qui se traduit jusque dans leur situation (et leur nom) permettra au réalisateur de jouer sur ce que fait l'identité d'une personne.


Pour compléter cette problématique, et pour lui donner une raison auquel le spectateur pourra se rattacher, Scorsese complète son duo symbolique avec un autre : celui du père et de la mère. Cette dernière sera jouée par une psychiatre, qui par sa profession, a tout de la personne qui connait la véritable identité du duo, tandis que le père ne sera pas joué par un personnage, mais par deux. Frank Costello pour Sullivan, qui se fait appeler "Papa" par sa taupe au téléphone, et Cpt. Queenan, figure paternelle au possible, pour Costigan.


Par cette distribution des rôles parentales (un personnage pour la mère, deux pour le père), Scorsese nous dit déjà quelque chose de fondamental sur son film et sur l'identité. La mère jouant le rôle de celle qui connait son fils (par sa profession), l'identité profonde est ici décrite comme unique, presque commune à tous les Hommes. Ce sont bien les pères qui amèneront leur fils à effectuer des actions qui leur amèneront doutes moraux, et de ce fait identitaires. On a là une vision chrétienne de l'Homme peu étonnante de la part de Scorsese : humaniste et universelle. Les Hommes sont bons, mais la société les corrompt.


Cependant le film n'est pas aussi simpliste, la mère étant symbole de celle qui connait, mais dans la réalité en est loin. Cette impossibilité pour elle de réellement connaitre ses fils étend la thématique de l'identité à celle de la volonté d'identité de la part de l'individu. C'est d'abord clairement visible par le personnage de Matt Damon, qui en arrivant à tromper sa mère, fait un premier pas vers une nouvelle identité, qui s'achèvera par le meurtre de son père (qui conclue là par ailleurs sa destinée freudienne). Mais également par celui de Leonardo di Caprio, qui en connaissant la fragilité de son identité réelle, finit par douter de sa pertinence et ne sait plus qui être devant sa mère.


Le duo principal est finalement miroir jusque dans leur conception de l'identité. Sullivan croit à l'identité fondamentale, qui lui amène une loyauté envers sa "famille", tandis que Costigan croit en l'identité par l'action, ce qui l'amène à douter de lui-même lors de son infiltration. Ces conceptions de l'identité sont mises face à leur limite lorsque Costigan décide d'arrêter Sullivan. Le premier agit pour affirmer son identité, mais geste vain car il ne pourra récupérer sa vie d'avant de cette façon, tandis que le second accepte sa nouvelle identité de policier, montrant finalement la fragilité de l'identité fondamentale.


Cette fragilité est également démontrée par les parallèles entre milieux criminels et policiers. Dans cette complexité, comment faire ressortir sa véritable substance ? Scorsese semble proposer la réponse jusque dans le titre du film. C'est la mort qui extirpe les Hommes de leur conflit existentiel. Les "rats", doubles par nature, sont finalement reconnus lors de leur trépas : Costigan est reconnu comme un policier, Sullivan est tué comme un criminel. Et pour conclure, un plan sur un rat courant vers la liberté.

Mayeul-TheLink
8
Écrit par

Créée

le 12 mars 2018

Critique lue 491 fois

12 j'aime

4 commentaires

Mayeul TheLink

Écrit par

Critique lue 491 fois

12
4

D'autres avis sur Les Infiltrés

Les Infiltrés
Ochazuke
2

Critique de Les Infiltrés par Ochazuke

Je venais de voir Infernal Affairs dont ce film est le remake et ... j'ai enfin compris pourquoi Scorsese me désespère profondément. De sa reprise d'un thriller à la base intéressant et bien ficelé,...

le 26 oct. 2011

80 j'aime

47

Les Infiltrés
krawal
3

Ou comment faire moins bien, moins efficace, et bien plus long que l'original.

D'abord on prend des stars, plein de stars. Des stars pour tout. Histoire de se persuader qu'on ne fait pas un remake d'un film magistral sorti quelques années plus tôt pour rien. L'effet pervers,...

le 4 oct. 2009

74 j'aime

15

Les Infiltrés
Sergent_Pepper
7

Hysteria of violence

La cinéphilie, c’est comme toute passion : ça peut régulièrement devenir encombrant. Les Infiltrés fait partie de ces films qui en pâtissent. Qu’on regarde le film pour ce qu’il est au moment de sa...

le 26 mars 2016

73 j'aime

4

Du même critique

Kubo et l'Armure magique
Mayeul-TheLink
5

Like tears in rain

(Si vous souhaitez avoir un œil totalement vierge sur ce film, cette critique est sans doute à éviter) Kubo, par sa technique d'animation nouvelle et son envie affirmée de parcourir des chemins...

le 27 sept. 2016

51 j'aime

10

Le Daim
Mayeul-TheLink
4

Critique de Le Daim par Mayeul TheLink

Chez Quentin Dupieux, on aime se mettre dans la peau d'animaux. C'est que comme dit l'Officer Duke (Mark Burnham) de Wrong Cops dans une révélation enfumée : "Nous sommes tous des esclaves de la...

le 20 juin 2019

48 j'aime

5

Call Me by Your Name
Mayeul-TheLink
5

"Le temps est comme un fleuve que formeraient les événements"

Héraclite disait il y a un moment déjà qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Les personnages se baignent, beaucoup, et effectivement jamais dans le même fleuve. Mais ce n'est pas...

le 13 mars 2018

40 j'aime

2