J'ai lu le livre de Laclos en prépa, et je l'avais dévoré tellement ce livre est sulfureux, même aujourd'hui. Même sans l'avoir relu, j'ai trouvé l'adaptation très fidèle.
Il suffit de regarder le casting pour savoir que Frears, dont les films récent m'enthousiasment fort peu, tenaient ici un ticket gagnant : Uma Thurman en Cécile Volanges, Glenn Close en Merteuil, et la cerise sur le gâteau : Michèle Pfeiffer en Mme de Tourvel et Malkovitch en libertin décadent. Comment faire mieux ? Je manque peut-être un peu d'objectivité à cause de Pfeiffer, mais tout de même.
Venons-en à la forme. Les tons grisés, poudreux sont parfaits. La première séquence, où l'on voit Merteuil et Valmont se maquiller et s'habiller en montage alterné, est un sans faute. Le dernier plan aussi, avec le visage de Merteuil démaquillé qui disparaît dans un fondu au noir, est une belle trouvaille. Les jeux de miroir, le ballet que forment les personnages sont très étudiés. J'aime beaucoup le cercle que décrit invariablement Valmont autour de sa proie, et que Tournel brise brusquement. L'attitude hiératique de Merteuil est tout à fait bienvenue, et les scènes attendues où une jeune fille sert de bureau sont réussies. Visuellement, ce n'est pas "Barry Lindon", mais le film a une unité graphique très réussie, et c'est bien suffisant.
Au fond, on évite l'américanisation à outrance (oui je sais Frears est britannique, mais pas tout le casting). La scène de duel est assez sobre. J'aime beaucoup le dernier plan sur le corps de Valmont. Même son dernier discours n'est pas filmé comme on le fait d'habitude à Hollywood : le plan est intégralement occupé par son visage, son expression, là où on aurait attendu le bon vieux plan moyen avec les gens qui l'entourent, comme dans les westerns.
Ha, et Keanu Reeves en jeune ingénu complètement idiot et manipulé d'un bout à l'autre, c'est assez savoureux. Il le fait bien. Je sais qu'on aime bâcher cet acteur, mais il fait son boulot.
Le contenu du livre est là, bien servi par le film : caractère insaisissable des sentiments, punition inévitable pour ceux qui jouent avec eux, rapport ambivalent (très Kierkegaardien) à l'innocence : on ne la reconnaît qu'une fois qu'on l'a perdue.
FInalement, c'est assez drôle : "Les souffrances du jeune Werther", de Goethe, que l'on considère souvent comme une apologie de la passion, en est au contraire une critique féroce, alors qu'à bien regarder, "Les liaisons dangereuses" est un ouvrage assez romantique, et d'un romantisme adulte, profond. C'est à s'y perdre ! Heureusement que Manont Lescaut est là pour mettre d'accord tout le monde. ^^
Une très bonne adaptation, à la fois créative et fidèle, un modèle du genre.