Le souffle onirique des premières fois

Romain Laguna, jeune trentenaire, signe avec Les Météorites, un premier film doux et original sur les errements d’une adolescente en quête de repères, et confirme l’élan du jeune cinéma de genre français.


Le cinéma français, incarné par ses jeunes auteurs, semble prendre un malin plaisir ces derniers-temps à flirter avec l’étrange, le surnaturel et le genre. On peut compter rien qu’en 2019 L’heure de la sortie de Sébastien Marnier et Les Fauves de Vincent Mariette. Une soif de récit de bon augure pour le futur du cinéma hexagonal, confirmant par ailleurs la bonne santé actuelle de ce dernier, tout comme la volonté de raconter des histoires hors des sentiers battus. Mais ce serait faire un faux procès aux Météorites que de classer le film uniquement dans une mouvance tant la singularité de ce premier film l’amène bien au-delà.


Naturalisme minéral


Les Météorites est une ode sensible, douce-amère sur les fluctuations et les errances de l’adolescence. Ce moment précis où les repères manquent, la quête d’identité est la plus vive, les questions adviennent plus que les réponses. Romain Laguna décide de peindre cette histoire dans l’arrière-pays héraultais, où vignes, rivières et montagnes se côtoient harmonieusement sous le soleil perçant du sud de la France. Quoi de mieux que la période estivale pour saisir ses balbutiements, l’ennui et la découverte ? Une manière pour le réalisateur de saisir une partie de son enfance biterroise, d’immortaliser ses souvenirs et de capter la douceur de ce paysage minéral. Rares ont été les films s’aventurant dans ces contrées retirées de l’Hérault et encore plus rares sont ceux à y avoir mis autant de poésie.


Une histoire de jeune femme et de paysage qui s’exprime dans un format 4/3 resserré, trouvant paradoxalement une justification. Le découpage et la beauté picturale qui s’en dégage sont souvent convaincants. L’intérêt d’un tel format est aussi d’aller scruter Nina (Zéa Duprez) dans ses moindres détails, ses émerveillements et ses doutes. La caméra, tel un Kechiche sur La Vie d’Adèle, vient plonger dans son regard et va chercher son visage de très près, pour irradier l’écran de ses expressions et épouser sa présence. Il y a un sens du cadre qui arrive à inscrire Nina dans son environnement sans pour autant écraser cet espace grandiose.


Zéa Duprez et ses partenaires (très bons Billal Agab, Oumaima Lyamouri et Nathan Le Graciet) sont dirigés avec justesse. Un héritage trouvé ici aussi dans le cinéma d’Abdellatif Kechiche, dont Romain Laguna est franc admirateur, faisant déjà effet dans son court-métrage J’mange Froid.


Flirter avec les astres


Portrait naturaliste d’une jolie justesse donc, mais là où Les Météorites se distingue par une belle singularité, c’est dans cette fuite du réel vers l’onirisme. Une échappée fugace qui apporte dès les premières minutes une étrangeté bienvenue. Le film refuse lui-même de porter l’étiquette du film naturaliste sur les tourments de l’adolescence pour tendre vers autre chose. Cette météorite qui tombe du ciel devient un présage. Un signe dans cette quête de sens et sur la nécessité de donner une trajectoire à sa vie. Une métaphore qui joue avec les échelles, de l’infiniment grand à l’infiniment petit et qui replace son personnage à sa juste place.


Le film reste à la lisière de l’étrange, le touche sans jamais l’embrasser, joue sur le présage et s’accorde cette part de rêverie pour finalement transcender son récit initiatique. Une manière de faire vaciller tout ce qu’on pouvait attendre d’une œuvre pourtant balisée, en slalomant habilement entre les genres. Du sang-neuf culotté et prometteur pour une œuvre scintillante comme une comète.


Critique à lire sur Le Mag du Ciné

JoRod
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le 10 mai 2019

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