Il est des films dont on ne sort pas indemne. Il est des films dont l’expérience en salle est une expérience de vie. Les Misérables, premier film de Ladj Ly (de la, définitivement, excellente pépinière Koutrajmé), est une oeuvre détonante, étouffante, inquiétante, réelle et utile. Plus de 20 ans après La Haine, Les Misérables ouvre un nouveau chapitre dans l’approche de la banlieue au cinéma. Ou plus généralement et justement, dans l’approche de la France au cinéma.


En effet, il est impossible de ne pas faire le parallèle avec La Haine. Or dans Les Misérables, les rôles sont éclatés, chacun à son tour joue le gentil puis le méchant : la police, les banlieusards et même la politique. La galerie de personnages est effectivement très large mais juste. Sans que Lady Ly ne veuille peindre une réalité fidèle, on croit en cette banlieue éclopée, on entre facilement et rapidement dans sa vérité en compagnie du fraîchement arrivé brigadier Stéphane Ruiz (interprété par Damien Bonnard).


La réalisation emprunte au documentaire. On suit de très près les trois flics et personnages principaux. On est en voiture avec eux, on court avec eux, on panique et doute avec eux. Malgré ce point de vue qui nous est imposé, jamais le film ne nous donne une inclinaison sur le camp à supporter. Jamais le scénario, la réalisation ou les acteurs ne nous donnent d’argument pour pencher d’un côté ou de l’autre. Là est la grande force du film.


A la progression étouffante, le film s’accompagne d’une bonne musique qui ne prend jamais le pas sur les images (ce qui est très rare dans le cinéma). L’image est le réel, ce qui nous frappe en plein cœur. Impuissants face au(x) climax du film, on ne peut sortir que torpillé de Les Misérables.


Porté par un excellent casting et une réalisation efficace (l’épilogue est magistral de ce point de vue), Les Misérables reste comme l’un des films français marquant des années 2010 et part grand favori des prochains Césars qui se tiendront en février 2020.


Pour ce qui est du propos du film, Ladj Ly pose des questions sans y répondre et c’est certainement la meilleure façon d’aborder cet épineux sujet social. La France du prologue, unie dans la victoire en Coupe du Monde, est bien la même que celle éclatée que nous voyons dans la suite du film et dans laquelle nous vivons.

ViragoSNathan
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le 23 nov. 2019

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Nathan Menez

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