Rapports de force et force au rapport

La banlieue a toujours été un grand sujet de débat en France. Entre « se débarrasser de la racaille », ou du « bruit et de l’odeur », ou de ces « étrangers qui ne respectent rien ni personne et encore moins la République » : il est temps d’avoir un point de vue développée. Ainsi le réalisateur, Ladj Ly, qui a vécu son enfance dans ce genre de quartier apporte ce point de vue nouveau avec une caméra au plus proche des gens et nous laissant souffler par moment par des plans au drones nous faisant littéralement prendre du recul. En effet qui de mieux qu’une personne qui a vu et vécu ces choses de près pour en parler.
Le film nous propose une fresque de la ville de banlieue de Montfermeil se situant par là-même dans la continuité de Victor Hugo comme on nous le signale au début du film, à la toute fin mais aussi bien évidemment dans le titre. De la même manière que Victor Hugo, Ladj Ly veut montrer ce à quoi ressemble les misérables d’aujourd’hui mais avec une méthode et un scénario tout à fait différent de l’illustre auteur et ne gardant de la ressemblance que le nom et le lieu.
Au contraire de ce qui est montré dans les médias, la banlieue n’est pas un bloc uni contre les lois de la République. Il y a des rapports de force entre groupes au sein même du quartier et pas uniquement entre les jeunes et la police comme il est souvent dit. Les rapports sociaux sont tout à fait caractéristiques et uniques et Ladj Ly nous montre ces rapports avec une neutralité qui lui importe pour sans aucun doute intéresser le public extérieur ne comprenant pas véritablement ce qui se trame en ces lieus où ne passe que les riverains. Dans le même objectif, le personnage principal vient de l’extérieur nous permettant de nous identifier à lui et c’est au travers de ce personnage que nous allons découvrir ce monde trop souvent caricaturer à l’excès. Le but ici n’est pas de victimiser ou de jeter la faute, il s’agit simplement de montrer à quoi ressemble cette société avec ses propres règles.
C’est un film remuant qui nous fait prendre du recul sur la situation des banlieues et qui nous permet de mieux comprendre les enjeux. Ce n’est pas une guerre ou un quelconque jeu pour le plaisir de se battre qui se trame, mais une escalade de la violence dû à une situation englobante et oppressante. La violence se crée elle-même : on subit quelque chose que l’on ressent comme une injustice et on veut la réparer. Et quand il faut la réparer, c’est une grande solidarité et un enchevêtrement complexe de relations qui se dévoilent. Dans cette société parallèle, c’est la faute de tout le monde et de personne à la fois. Tout le monde veut la paix mais tout le monde provoque la guerre. Chacun pense avoir raison et chacun pense connaître l’autre. Mais ce n’est que de l’incompréhension qui amène les personnages à commettre ce qu’il n’aurait pas dû et à, en plus, ne pas pouvoir les résoudre.


Les Misérables est un très bon film qui ne laisse pas indifférent et nous parle avec justesse des banlieues parisiennes populaires. Un film à voir ne serait-ce que pour ne plus rester sur ses préjugés.

Josse2206
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le 22 nov. 2019

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