Impressionnant (presque) jusqu'au bout.

Ladj Ly a grandi dans le quartier des Bosquets à Montfermeil et à la vision de son premier long métrage, on peut affirmer, sans trop de risques, qu’il connait bien son territoire et son sujet. L’ancrage dans le réel est la première grande qualité de son film, mais ce n’est pas la seule.


Alors qu’il traite d’un sujet brûlant et explosif, Les Misérables impressionne paradoxalement par son calme et sa pondération. Le film évite habillement le piège du manichéisme qui consisterait à prendre parti et nous montrer les gentils policiers aux prises avec une banlieue hostile (ou inversement une population défavorisée aux prises avec des méchants flics). Au contraire, Ladj Ly nous dépeint de façon assez fine toutes les tensions et les désaccords qui existent d’un côté comme de l’autre. Les trois policiers « héros » du film ne sont pas franchement sur la même longueur d’onde et n’ont pour ainsi dire que peu de choses en commun. Quant au quartier des Bosquets, il est dépeint comme étant tout sauf homogène.


L’autre piège qu’évite Les Misérables c’est celui du film grand public un peu artificiel et démago (à l’instar du Polisse de Maiwen) qui cherche avant tout à séduire et à divertir le spectateur en alternant les passages comiques et les séquences chocs. Absolument rien de tout cela ici. Au contraire, pendant près d’une heure vingt, Les Misérables impressionne par sa sobriété et sa sagesse. Le personnage principal joué par Damien Bonnard rappelant même par certains aspects un certain Serpico, le fameux policier intègre de Sidney Lumet.


A une vingtaine de minutes de son épilogue, Ladj Ly avait réussi un presque sans-faute. Son film aurait très bien pu s’arrêter là, au moment où les trois policiers regagnent leurs appartements respectifs, car la dernière partie est non seulement moins réussie, mais prend aussi le contre-pied de tout ce qui la précédait. C’est probablement un choix volontaire. Il n’empêche que, sans dévoiler le fond, cette dernière longue séquence ou peur, suspense et violence, montent en flèche crescendo semble un peu trop facile, racoleuse et inutilement explicite. Je pense que tous les spectateurs attentifs avaient compris les tenants et les aboutissants de la situation (explosive) sans qu’on ait besoin de leur montrer de façon aussi directe. On a l’impression qu’après s’être retenu pendant l’essentiel de son film, Ladj Ly a soudain eu besoin de se lâcher. Mais du coup il retombe un peu involontairement dans les poncifs habituels de la cité ghetto haineuse et violente. La séquence a beau être magistralement filmée, c’est un peu dommage.


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Ismael24
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le 21 nov. 2019

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Ismael24

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