Prix du Jury à Cannes, Les Misérables est bien l’uppercut annoncé. Il dresse un état des lieux alarmant et rappelle 25 ans après La Haine, l’impasse dans laquelle se trouve les banlieues françaises.
Son auteur/réalisateur fait à la fois un constat lucide et un très grand film de cinéma qui doit beaucoup à la virtuosité de sa mise en scène. Ladj Ly y dépasse largement le cadre du docu-fiction ou du film à thèse. Il impose un style singulier, tendu et nerveux, au service d’un récit d’une rare densité et qui accorde à ses personnages un soin tout particulier. La finesse et la précision de l’écriture permettent au thriller social de se développer, instaurant une tension permanente et graduelle à peine perturbée par quelques rares traits d’humour.
Les caméras sont près de corps et des situations mais prennent parfois de la hauteur dans les scènes filmées par le drone, donnant une vision inédite des banlieues, une esthétique loin des clichés.
C’est d’ailleurs ce à quoi s’attache Ly tout particulièrement, malgré un propos forcément politique il évite les partis pris et se garde de tout manichéisme pour assener l’implacabilité de son constat.
L’intégralité du casting est d’une justesse remarquable, donnant corps et crédibilité à chacun des personnages qui interagissent dans cette sorte de western urbain et contemporain. Car c’est bien la photographie d’un territoire inflammable, fonctionnant sur un dangereux modèle d’autogestion dont il s’agit. Chaque corporation tente d’y conserver son influence tout en essayant de maintenir un semblant de paix terriblement fragile. Le maire auto-proclamé de la cité, les grands frères dealers, les religieux prosélytes, les flics qui tentent tant bien que mal de garder un peu d’autorité en bombant ostensiblement le torse, tous sont assis sur une poudrière autour de laquelle des gamins livrés à eux-mêmes jouent avec des allumettes.
Grâce au découpage parfait de son montage, les Misérables met en place de manière métronomique l’idée d’inéluctabilité. C’est concis, brutal, limpide, d’une maitrise impressionnante malgré la densité de sa narration foisonnante. La dernière demi-heure est d’une tension irrespirable et le plan final tétanisant.
Une grosse claque, puissante, urgente et salutaire.

Thibault_du_Verne
9

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Créée

le 1 déc. 2019

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