Phil Lord et Chris Miller sont à présent des incontournables dans les studios d’animation de Sony et ils le prouvent de nouveau en restant des intervenants décisifs, surtout comme producteurs. Michael Rianda et Jeff Rowe sont les fers de lance du duo, témoignant d’une ambition à la hauteur de leur motivation. Pour une première réalisation, il y a tout à gagner dans un jeu de création intuitive, mais qui fonctionne en à-coup par instant. Les idées graphiques puisent dans l’essence même du web, jusqu’à en bâtir une structure rocambolesque, à l’image d’un forum de mèmes. L’argument est de servir la narration ou l’humour, souvent visuel et donc à la croisée des chemins entre le support numérique quotidien et l’instrument cinématographique, qui aime prendre à contre-pied les ruptures de ton. Ces recettes promettent ainsi un bon délire, poussant les curseurs au maximum, sans regretter un seul instant l’éventualité d’une faille dans un programme détourné.


Il ne faudra pas longtemps avant de comprendre comment l’aspect griffonnant des stylistes viendra fréquemment se superposer à l’intrigue et aux enjeux. En nous rappelant vivement les prouesses d’un « Spider-Man : Into the Spiderverse » en mêlant l’univers comics à l’animation 3D, ce film tente la même approche sur fond de pixels. Il sera ainsi dommage de constater une redondance du style, qui noie le fabuleux, au lieu de s’appuyer dessus afin de sublimer la matière qu’il traite. Une famille dysfonctionnelle se fera pister dans une apocalypse technologique, de l’ordre de l’USR ou encore Skynet. Mais alors qu’un smiley maléfique souhaite littéralement repousser le genre humain, les irrésistibles Mitchell résistent à l’envahisseur. Comment ? Pourquoi ? Leur singularité les place constamment en marge d’une société qui bat son plein et qui déborde d’interaction. Le souci, c’est que cela passe par l’intermédiaire de données, diffusées et rediffusées en boucle pour le bonheur des concepteurs et pour le malheur d’autrui. Un road-trip effréné vers la déconnexion s’engage alors au volant un break orange de 1993, avec de grands bagages émotionnels à son bord.


À la veille de son entrée en fac de cinéma, Katie se dresse face à la passion à l’ancienne de son père, Rick, un amoureux de l’artisanat et évidemment de sa famille. Le cœur du groupe réside dans cette relation, où chacun cherchera à apprendre le point de vue de l’autre, tout comme l’on guette patiemment l’instant où la mascotte Monchi arrivera à y voir plus clair. Deux univers s’entrechoquent et sont soumis à d’hilarantes situations, où les mèmes se détournent de leur fonction anarchique et de leur voyage dans le pinball du net. On ne cache pas l’inventivité des plans, vus par une génération connectée, et des thématiques creusant dans un fossé générationnel pertinent, mais au plaisir éphémère. C’est la dure réalité des faits, du concept et d’une démarche. Mais Katie entretient l’espoir, dans son attachement au futur. Elle monte des stratagèmes en sondant les bénéfices d’un hébergeur de vidéos, là où sa culture s’éveille, en même temps que la maturité. À l’opposé, son père se défait de son dilemme, au moment même où son poussin n’a plus besoin d’être couvé pour exister et s’envoler de lui-même.


Dans cette même logique, le cadet réclame de l’attention et un échange passionné sur le Jurassique. Lui, sa mère guerrière et les Laurel-Hardy robotiques se mêlent ainsi dans l’aventure mélancolique d’une famille fracturée, mais qui tend vers son union, la plus symbolique et la plus salutaire. « The Mitchells Vs. the Machines » respire l’énergie de vivre et de confronter le monde virtuel, qui nous vole des instants précieux en famille. Et même si l’appétit lourdingue de la culture pop lisse un peu trop les introspections formelles, la mayonnaise finit par prendre dans un dernier acte jouissif, éblouissant et saturé de bonne volonté.

Cinememories
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le 11 mai 2021

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