Au delà de certains partis pris habituels de Robert Guediguian (son héros est un syndicaliste CGTiste marseillais qui cite Jaurès, bon), le film propose et développe très justement une très belle idée qui, j'imagine, se trouve dans le livre de Victor Hugo dont Robert s'est inspiré ("les pauvres gens").

Cette idée, c'est non seulement l'adaptation de ses idéaux à l'implacable et souvent inattendue réalité, mais aussi l'érosion de ces même idéaux par rapport au temps qui passe.

Ce thème, comme beaucoup d'entre nous, me passionne, puisque nous sommes tous, tout au long de notre vie, confrontés à ce dilemme permanent, tendus entre une jeunesse où l'idéal et la théorie remplit la quasi-totalité de notre cœur, et une vieillesse dont nous souhaitons qu'elle ne soit pas totalement synonyme de renoncement, pour ne pas avoir l'impression d'avoir raté l'essentiel.

Si les deux personnages masculins ressemblent aux deux facettes attendues de l'incarnation de ces tempêtes intérieures (le pur qui doute et le pragmatique qui énonce brutalement ses certitudes pour mieux enfouir ses propos démons), les deux femmes apportent des nuances à la palette des sentiments humains du Robert Guedigiuan peintre des âmes.
La réaction de ces quatre amis à l'intrusion de la violence dans leur quotidien, celle de leur entourage (notamment la génération suivante, plus individualiste) constitue la grande réussite du film, et la qualité des acteurs contribue largement au plaisir de l'ensemble.

Certaines scènes sont de vrais bons moments d'écriture: celle de la mère absente qui s'explique devant Marie-Claire, ou Christophe qui s'emporte devant Michel au tribunal, par exemple.

Car voilà un paradoxe typique de Guedigiuan: c'est ce même équilibre, cette réelle justesse, que je viens d'évoquer et qui sont la marque de fabrique du cinéaste, qui manquent parfois cruellement à certains moments (la situation de famille de l'agresseur, la scène finale avec Michel et Marie-Claire sur la jetée) mais n'empêchent en aucun cas l'ensemble d'avoir un terrible côté attachant.

Attachant, même si Denise joue à la contrée comme une buse.
Mais bon, elle parle trop.
Comme les filles souvent dans ce délicat exercice.
C'est vrai quoi, à 120 carreaux, faut au minimum avoir le valet, merde !

Et je ne dis pas tout le bien que je pense de ces "neiges du kilimandjaro" parce que je passe presque tous les matins en face d'un des décors principaux du films. Ce serait top facile.

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le 11 avr. 2012

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guyness

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