Si Revolutionary Road rappelle quelque chose c'est évidemment la série de Matthew Weiner. Même reconstitution de l'Amérique 50 où tous les décors, accessoires, costumes, couleurs sont absolument parfaits. Même représentation du monde du travail (ces grands open-spaces où tous les hommes fument, boivent, et dragouillent les secrétaires trop naïves avant de prendre le train pour retrouver leurs femmes au foyer). Le film de Sam Mendes montre l'envers de l'American Way of Life. Alors qu'elle est une promesse de bonheur, la formule "travail + femme au foyer + enfants + maison en banlieue" ne fait qu'enfermer les personnages dans leur condition, dans une vie routinière, vide, sans espoirs. Le Rêve Américain remplace les rêves individuels (ici, devenir actrice ou aller à Paris pour trouver sa voie). La différence fondamentale avec Mad Men n'est pas dans le sujet (la série ne raconte rien d'autre que ça), mais, évidemment, dans la façon de le traiter.
Dans Mad Men, tout relève du non-dit. Les personnages sont dans un mal-être profond qu'ils ne peuvent s'expliquer, ou qu'ils s'expliquent mal. La série fait éclore les névroses de l'Amérique à travers des personnages mystérieux, ambiguës et perdus, comme éternellement prisonniers d'une toile de Hopper.
Les Noces Rebelles, au contraire est ultra-démonstratif. Ici, les personnages sont très intelligents, analysent les raisons de leur dépression de manière parfaitement juste, ils sont constamment dans le commentaire et l'analyse d'eux mêmes et tout nous est expliqué à travers leurs débats et disputes violentes. Les névroses sont étalées au grand jour, sans aucun secret, sans aucun mystère. Et quand ce n'est pas le cas, quand il persiste chez Frank et April peu de doute, d'ambiguïté, quelque chose d'irrésolu, Mendes prend le soin de nous l'expliquer malgré tout, en convoquant un personnage de fou (donc le plus lucide d'entre tous, dans la grande tradition de théâtre classique), qui va tout leur (et nous) expliquer (Ah, donc si Di Caprio a baisé sa femme, c'était sans doute dans l'espoir de lui faire un gosse, excellent prétexte pour ne pas aller à Paris et se libérer, enfin, de son triste sort. Limpide).
Démonstratif le film l'est aussi, forcément, dans le jeu des acteurs, comme dans la mise en scène de leurs constantes disputes (même si celle-ci reste efficace, Sam Mendes étant, au moins, un honnête artisan). Non seulement leur jeu est outré (on gueule très très fort, on fait de grands gestes, on fait des grimaces...) mais il est, à mon sens, mis en scène de façon bien trop théâtrale. Pendant ces scènes, les personnages qui s'engueulent marchent dans tous les sens, font des aller-retour d'un bout à l'autre du cadre (parce que tu comprends, ils sont très très énervés), ou alors sont parfaitement immobiles. Ce type d'opposition, (personnage hystérique qui bouge dans tous les sens Vs personnage immobile et stoïque) me semble extrêmement lourde, pas du tout réaliste (en tout cas ici) et relève plus d'une (mauvaise) idée de théâtre, que d'une idée de cinéma, où le montage (au hasard) pourrait jouer un rôle plus important.
Au final, le film de Mendes est loin d'être honteux, plutôt bien facturé et contient quelques jolies scènes (jusqu'à la moitié du film, j'étais même plutôt conquis par cette histoire), mais se révèle finalement bien trop transparent, limpide et donc peu passionnant, alors même qu'il tenait avec son seul duo d'acteurs, un potentiel mythologique énorme (retrouver Jack et Rose, le couple le plus célèbre du cinéma des 50 dernières années, avec dix ans de plus, aurait pu suffire à faire des Noces Rebelles un puissant film mélancolique et nostalgique).
MacGuffin
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le 4 mai 2013

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