Des sauvages trop civilisés.
Les films à sketchs, ce n'est pas vraiment un genre que j'affectionne. Encore plus, quand je le découvre après une introduction sympathique, mais comme je suis dans la salle, que je ne pars jamais avant le clap de fin, que le film jouit d'une belle réputation, vu qu'il a fait hurler de rires le public au festival de Cannes, alors je me dis "pourquoi pas".
Par contre, le festival de Cannes qui explose de rire face à ce film, ce n'était pas vraiment un argument susceptible de me donner envie de le voir. Ce public a plutôt tendance à détruire les films qui vont me plaire et encenser les films, qui vont me déplaire, on est pas vraiment sur le même longueur d'onde, surtout cette année avec Maps of stars et Mommy.
Mais le premier sketch est "gentil", surtout pour son couple de retraités dans son jardin. La suite ne sera pas aussi "sympathique" et surtout, absence d'éclats de rire, juste trois ou quatre sourires se sont fait ressentir durant la séance, ce qui est assez faible, quand on te vend un film hilarant et jouissif.
Après la revanche d'un homme déséquilibré, on se retrouve dans un bar, avec une serveuse se retrouvant face à un seul client, responsable de la mort de son père. Le thème de la revanche semble être celui du film, du prolétaire face au puissant, avec à la fin, la mort. Cette récurrence, rend chaque sketch prévisible, sauf le dernier, celui du mariage explosif, et encore....
Le réalisateur argentin Damian Szifron (totalement inconnu pour moi), issu de la publicité, pousse à chaque fois à l'extrême, en mettant en images, nos pensées face aux riches, aux fonctionnaires, bref tout ce qui est susceptible de nous agacer dans notre quotidien. Le troisième sketch; surement le plus réussi, même si son côté scatologique, me dérange; mettant aux prises deux chauffards, un jeune homme arrogant au volant de sa luxueuse voiture neuve et un homme dans la force de l'âge, roulant dans une épave. L'affrontement est violent, excessif, mais offre la folie promise dans le film, au contraire des autres sketchs bien trop sage. Celui de l'ingénieur en explosifs est balisé du début à la fin, malgré la présence de Ricardo Darin, de ses pétages de plombs justifiés, il ne surprend jamais. Mais surtout, il va être à l'image des sketchs suivants, avec une impossibilité d'offrir une chute décente.
C'est encore plus vrai, pour le huis-clos dans une maison de bourgeois. Tout est annoncé dès les premières minutes, encore une fois une absence de surprise et un final brutal, qui laisse sur sa faim. Pourtant à chaque fois, il y a ce cynisme qui pointe son nez, cet appât du gain qui transforme un homme en rapace, voir en charogne. Dès qu'il apparaît, on a un moment furtif de plaisir, avant qu'il s'évapore.
Le constat est pessimiste, toutes les fins sont dramatiques, je ne vois pas ou se trouve le côté jouissif du film. Il est surtout régressif et va l'être encore plus, lors du dernier sketch du mariage. La maîtresse était une évidence, mais la mariée qui part totalement en couilles (au sens propre et figuré), ça permet de souffler enfin. Le tout se finissant dans la lumière, le rouge se mariant merveilleusement au blanc, même si c'est encore une fois, brusque.
Des sketchs inégaux, tout comme la réalisation, le scénario et les acteurs(trices). Mais aucun, qui ne sort vraiment du lot, une bonne idée ne fait pas un bon sketch, alors un film....par contre, il y a plein de bonnes petites idées, de petites phrases lâchés au détour d'une scène, innocemment et qui fait mouche, mais brièvement et c'est dommage.
Damian Szifron s'inspire du film "Les monstres" (1963) de Dino Risi. Mais d'une part, Dino Risi était un réalisateur déjà connu et reconnu, maîtrisant son sujet et surtout, ses sketchs étaient brefs, allant à l'essentiel, pour une satire mordante et corrosive de la société italienne. Puis avec Ugo Tognazzi et Vittorio Gasmann, il avait un duo sublime, interprétant divers rôles dans chaque sketch, avec férocité et causticité. En faire un parallèle, n'est pas flatteur pour un film, qui n'a finalement pas vraiment de discours. Il tente de bousculer le spectateur, mais dans une époque, ou plus grand chose ne surprend, l'être humain étant prêt à tout, pour faire parler de lui, en bien, mais surtout en mal, il aurait fallu plus de violence et surtout, faire preuve d'un humour noir efficace.
Le film se laisse suivre, quelques images restent en tête, mais il ne laissera pas un souvenir impérissable. Surestimé ? Survendu ? En tout cas, il ne m'a pas emballé, il reste bien gentil et si basique dans sa construction, ne surprenant que rarement, qu'il me laisse perplexe, face à tant d'éloges.