Adaptation du roman de Dostoïevski aussi osée que somptueuse ayant reçu le Lion d'argent à Venise. Visconti réussit à retranscrire le chaos moral et mental de ces deux amoureux par des décors en ruine et une photographie nocturne et expressionniste entre classicisme et modernité.
Cet intérêt remarqué et remarquable pour une artificialité aussi expressive que tragique annonce le Visconti des grandes fresques (on pressent les ruelles misérables du Guépard ou les canaux funèbres de Mort à Venise). Pour autant, le réalisateur n'oublie pas ses origines Néo-Réalistes qui s'incarnent dans une misère omniprésente (les miséreux devenus littéralement une partie du décor) ainsi que dans les détails faits pour retrouver l'Italie d'après-guerre (la station-service si proche de celles de Hopper, la présence au mur d'affiche griffées de cinéma et bien sûr cette scène mémorable de danse Rock'n'Roll américain où jeunesse italienne se passe et s'épuise).
Néanmoins seuls les époustouflants murs de cette tragédie réussissent à traverser le temps sans s'éroder. L'interprétation minaudante jusqu'à l'excès de Maria Schell et son personnage de folle ingénue restent perdues dans les ruines en carton pâte de 1957. A peine rattrapé par quelques moments de grâce (dont cette fameuse danse endiablée), Marcello Mastroianni n'éblouit pas non plus dans son rôle de timide jusqu'au-boutiste très peu #metoo tandis que l'absent Jean Marais retourne à l'absence immédiatement après la fin du film.
Avec le même goût du décor comme personnage à part entière et cette fascination égale pour les plans d'eau, Kurosawa avait offert avec L'Ange Ivre une interprétation beaucoup plus chaude, vivante et vibrante de destins au Néo-realisme tragique.

Maxime_Fournier
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le 14 nov. 2020

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Maxime Fournier

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