Aujourd'hui, j'avais décidé de regarder Les Parapluies de Cherbourg, œuvre célèbre et singulière que je n'avais jamais eu l'occasion d'appréhender. J'apprécie l'opéra-bouffe, l'opérette, et encore hier je me suis délecté de l'interprétation de Mary Poppins de 1964, la voix pure de Julie Andrews me faisait jongler entre le sourire béat et les larmes d'un enfant que Walt Disney connaissait mieux que quiconque. Mais revenons à nos parapluies…
Cette esthétique soignée, aux plans calculés, aux couleurs saturées, vives, et l'orchestration jazz léchée, cuivrée, entraînante… et puis…
Et puis en fait, les minutes passèrent, et commencèrent à s'éterniser. Il ne faisait plus aucun doute que les dialogues, sans rimes ni rythme, furent disposés au hasard sur la partition, à la manière d'une toile de Jackson Pollock, laissant à la providence le soin de constituer l'harmonie. Bien que tout soit entièrement postsynchronisé, les protagonistes entonnent sur un air bien à eux, une mélodie discordante sans que l'on puisse déceler la moindre connivence avec la bande sonore sur laquelle ils évoluent. En parlant de cette dernière, elle est également insensible au contexte, comme si le compositeur ignorait à son tour le sens des paroles qu'il avait pris plus ou moins le soin d'orchestrer… mais il n'est pas le seul. Car, et c'est là l'ultime douleur, les acteurs eux-mêmes paraissent n'avoir qu'une très vague idée de ce qu'ils vocalisent, ne prenant même pas de respiration entre les lignes de leurs dialogues sirupeux.
Las, l'hypothèse qui m'apparut la plus claire est qu'ils aient appris phonétiquement leur texte, à l'aide d'un tourne-disque dont la courroie n’était plus de la première jeunesse.
Jackson Pollock jouit ici d'un fort bel avantage, que l'on apprécie ou non son art, c'est que ses œuvres, elles, ne cassent pas les oreilles.
Au sujet de la note, je lui ai attribué 5 étoiles, car le pari était très osé, l'accompagnement musical est de grande qualité et la qualité visuelle est bel et bien là, les plans sont travaillés, les couleurs sont vives, les décors très jolis. Tout ceci est très séduisant à mes yeux et mes oreilles, et j'apprécie la prise de risque. Mais ça ne fait pas tout… autant dire que sans ça, il aurait écopé de deux étoiles, voire d'une seule.