Ca commence avec un bel exercice de branlette, un sympathique plan-sequence qui couvre tout le génerique, un exercice Scorsesien censé, vraisemblablement, remplir le quota d'interet cinematographique pour les 2h30 qui vont suivre.
Bien tenté. Mais vain.

Les Petits Mouchoirs est un film d'un ennui et d'un inintéret qui confine au génie. Bien sur tout ça n'est pas si mal executé, Canet via le cadrage surtout s'amuse à evoquer Cassavettes, par exemple. Ce superficiel enrobage cinephilique finit cependant par participer à l'aspect involontairement comique du metrage : filmer les attermoiements amoureux de Gilles Lellouche et Laurent Laffite à la manière de Husbands, c'est un peu comme singer Bergman dans une comedie avec Adam Sandler.
C'est cruel mais il faut avoir la mesure de ses ambitions j'imagine.

Entre bobo et beauf, Canet ne choisit pas vraiment son camp (enfin si, le sien, si on croit les interviews) et dépeint une niche sociologique qui a le merite de me laisser perplexe. Des "personnes" plats, incultes, hysteriques, qui ont une manière bien à eux de regler leurs problèmes personnels... Le petage de plombs de Cluzet (le meilleur acteur français (?!?!?)) face à l'outing de son "poteau" Magimel (pas trop mal pour une fois) est totalement incomrehensible. Homophobie ? Homosexualité refoulée ? Recherche d'un pretexte pour expulser une rage contenue due à une existence nevrotique de chef d'entreprise bling bling ? C'est juste.... Pffff.... Et c'en est de même pour tout le monde. Exemple : Marion Cotillard donnant rendez-vous avec son fucking friend joué par Matthieu Chedid qui arrive nonchalamment avec un bouquet de fleurs (?bis). Après l'acte consommé, ce dernier se voit vite remercier par la belle hippie aux beaux sentiments, le joint à la bouche, pour la bonne et simple raison qu'elle prefere regarder son bon vieux Jean-Jacques Annaud (Coup de Tête - 1979) toute seule en consciencieuse cinephile qu'elle est. Soit dit en passant, la cinephilie du français moyen est bien incarnée dans les Petits Mouchoirs, étant donné que la même Cotillard et le Prix Nobel de Physique incarné par Gilles Lellouche ont une belle scène de "mise à nue" devant l'Epouvantail (Jerry Schatzberg - 1973 - palme d'or la même année...).
L'aspect Comedie de Moeurs, donc, c'est ça. Une bande de copains qui, j'espère pour tout le monde, n'existe pas et n'a jamais existée. Tout cela ressemble à une espèce d'auto-psychanalyse bizarre menée par un mec cherchant à tout prix à rendre ses nevroses interessantes. Il est même étonnant qu'autant de personnes prétendent s'identifier aux "belles personnes" qui peuplent le film.

(Quoique le personnage de Cluzet atteste d'une bonne connaissance des beaufs de droite possedant un bateau. Nul doute que Canet a bel et bien frequenté les stations balneaires estivales. Good for him.)

D'ou vient cette émotion devastatrice qui selon la moitié des critiques recensées sur Allociné va faire monter en flèche les ventes de Kleenex ?
Hypothèse 1 : Faire crever Jean Dujardin, l'acteur le plus populaire de France, dans un accident de la route à la fin de son film c'est plutot bien vu sur l'echiquier de la chalerie populaire.
Hypothèse 2 : jouer sur le reflexe pavlovien du "je vois quelqu'un pleurer à l'ecran, je pleure aussi" c'est plutot bien vu. Incomprehensible que ça marche, quand à la révelation finale de la mort de Ludo l'ensemble vire instantanément au contest de théâtreux débiles de qui aura la meilleure technique. Ca evoque tellement une competition sportive qu'on pourrait aisèment la commenter genre : "très belle mimique hysterique de Cotillard, qui est contré par une belle face d'incomprehension de Gilles Lellouche. Mais... mais... mais c'est Laurent Laffite qui part s'isoler sur la plage. Incroyable !".
Hypothèse 3 : la plus plausible, la musique. Hervé de Luze, monteur officiel de Polanski (ahah), fait un bon boulot, calant tel mouvement sur telle montée de gamme de telle chanson d'Antony and the Jonsons. David Bowie, Jet, tout ça a du couter très cher et fait son petit effet à tel point que Canet reussit à atteindre le statut de Tarantino Mainstream dans la categorie réalisateur DJ.

Que dire... Que dire...

Les Petits Mouchoirs est un long et penible voyage dans les trefonds de la vacuité à la française. Un enchainement fatigant de fous rires artificiels et de trop chaudes larmes.
Plus tard dans la soirée, j'ai regardé St. Elmo's Fire de Joel Shumacher (son seul incontestable bon film) avec le Brat Pack, la bande de jeunes acteurs de John Hughes, excellent dans le genre bande de copains face à la realité de la vie. Hautement plus pertintent, universel, emouvant et recommandable que ce truc immonde, qui je m'en rends compte un peu tard ne vaut même pas une critique aussi longue.
Antoinescuras
1
Écrit par

Créée

le 30 nov. 2010

Critique lue 1.4K fois

13 j'aime

Antoinescuras

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

13

D'autres avis sur Les Petits Mouchoirs

Les Petits Mouchoirs
VirginiA
4

T'es *vraiment* une belle personne

J'ai horreur qu'on me force à penser quelque chose que ni la force du scénario, ni le talent de mise en scène ne m'inspirent. Aussi, quand mes oreilles sont oppressées par un "Amen Omen" de Ben...

le 30 oct. 2010

141 j'aime

6

Les Petits Mouchoirs
Citizen-Ced
2

Les petits bobos

Putain c'est mauvais, mais mauvais quoi. Et en plus c'est mauvais pendant 2H30. OK, j'ai plutôt bien aimé l'intro : un long plan-séquence aussi réussi que prétentieux suit Dujardin depuis les...

le 13 mars 2013

104 j'aime

17

Les Petits Mouchoirs
hillson
4

Les petits kleen-sexes

Les petits mouchoirs, c'est toute une bande raccoleuse d'amis fêtards qui se retrouve, comme chaque année, pour se bourrer la gueule sur un bateau et se retrouver le soir, à se bourrer la gueule dans...

le 16 déc. 2010

100 j'aime

11

Du même critique

Les Petits Mouchoirs
Antoinescuras
1

Le Chagrin et (surtout) la Pitié

Ca commence avec un bel exercice de branlette, un sympathique plan-sequence qui couvre tout le génerique, un exercice Scorsesien censé, vraisemblablement, remplir le quota d'interet cinematographique...

le 30 nov. 2010

13 j'aime

Hugo Cabret
Antoinescuras
2

Les Aventures de Meliès

Hugo Cabret est une déception. Non pas que l'idée de voir Martin Scorsese réaliser un film familial, au contraire. Nous étions curieux de voir en quoi sa légendaire science du cadrage et du découpage...

le 27 déc. 2011

10 j'aime

1

Vénus noire
Antoinescuras
3

Souffrance...

On ne comprend pas trop ce qui a poussé Kechiche, grand cinéaste du verbe, à se lancer dans ce biopic étrange, en grand partie en langue étrangère, sur une icone muette. Et icone, c'est vite dit,...

le 5 déc. 2010

6 j'aime