La sortie en salles de "Les petits mouchoirs", dernier film en date de Guillaume Canet en tant que réalisateur a été précédée par une énorme campagne marketing : on a pu voir les acteurs et le réalisateur, grande bande de copains promouvoir le film et en faire un chef d'œuvre avant même de le soumettre à l'avis des spectateurs. Résultat bien loin des attentes pour le jeune réalisateur de "Ne le dis à personne" qui nous propose un film mi figue mi raisin.

Pourtant l'idée de départ était très intéressante et pouvait laisser espérer un développement des personnages ainsi qu'une véritable analyse poussée des rapports entre amis de longues dates. Loin s'en faut. Les acteurs jouent leur rôle jusqu'au bout sans que les personnages évoluent le moins du monde. Après 2h20, on pouvait pourtant espérer plusieurs retournements de situation et une évolution dans le caractère des personnages. Au lieu de cela, Canet nous rabâche sans cesse les mêmes scènes, reste campé sur ses positions et on s'aperçoit qu'il éprouve sûrement de la déception vis-à-vis de l'amitié.

Il est en effet nécessaire de préciser que Guillaume Canet a écrit le film après avoir passé un mois d'août à l'hôpital en ayant eu que deux visites. Peut-être s'est-il senti trahi par ses proches ? C'est en tout cas ce que le film suggère, un peu trop peut-être.

Autre point faible du film : sa longueur. 2h20 pour ce qui pourrait très bien s'apparenter à un film français de comédie dramatique grand public. Un format un peu plus standard d'1h45 environ aurait été beaucoup plus intéressant dans le sens où le spectateur peut parfois avoir l'impression d'être en face de redites un peu lourdingues. L'exemple le plus probant est le cas Cluzet/Magimel qu'on voit se déchirer tout au long du film du fait de l'homosexualité avouée du personnage de Magimel durant le premier quart d'heure. Cluzet ne cesse de refouler Magimel et multiplie les mimiques et autres sautes d'humeur du CSP+ éternel insatisfait, ayant bien réussi sa vie financièrement et se croyant un peu supérieur au reste du groupe. Si bien qu'on peut se croire en face d'un De Funès dans ses mauvais jours.

Et c'est le cas pour tous les personnages, sensés représenter le groupe type d'amis : le colérique (Cluzet), l'amoureux malheureux (Lafitte), la fille qui part dans le tiers monde aider son prochain fumeuse de pets (Cotillard), le quarantenaire en crise dans son couple et ici plus tout à fait sûr de sa sexualité (Magimel), le rigolo fêtard coureur de jupons un peu trop porté sur la boisson (Lellouche/Dujardin), les femmes appartenant au groupe comme on appartient à une belle famille : via le mariage.

Ces personnages caricaturaux sont sensés être la représentation type de l'amitié, aidant son réalisateur à mieux comprendre les rapports humains et on est parfois dans le vrai, on peut se reconnaître dans certaines situations, rire quand il le faut et s'imaginer à la place des personnages, dans toutes les situations. En cela, le film est plutôt réussi et si Canet en était resté à ces rapports humains, le côté caricatural des protagonistes n'aurait pas sauter aux yeux du spectateur. L'erreur a été d'ajouter en fond un drame macabre : Jean Dujardin se prend un camion à scooter en sortant de boite mais les amis, au lieu de rester à son chevet, s'en vont tout de même en vacances. Et de ce fait, c'est l'égoïsme des personnages, malgré leurs traits de personnalité bien définis, qui ressort du film. On ne voit plus que ça et on se sent mal à l'aise de voir qu'ils ne changent aucunement au fil des deux semaines de vacances.

Côté technique, Guillaume Canet reste très académique dans sa mise en scène même si le plan séquence de l'accident (ouverture du film) est très réussi. Pas de prise de risque mais en même temps, on obtient un résultat assez satisfaisant au vu de l'ensemble du film. On est loin de la mise en scène originale de "Ne le dis à personne" mais le cahier des charges est rempli et la recette plait au plus grand nombre, c'est ce qui compte.

Finalement, le côté drame lacrymal des vingt dernières minutes de film et sensé arriver comme un cheveu sur la soupe est très prévisible et les acteurs ont beau tout donner, on arrive pas à laisser couler la moindre larme pour ce qui ressemble trop à un scénario de mauvais téléfilm. Beaucoup de gens pleureront, mais ce n'est pas du grand cinéma. Ce n'est pas non plus un bon divertissement. Il s'agit d'un film français banal dont on aura vite oublié les tenants et aboutissants. Comme quoi un ou deux plans séquences et une bonne B.O. accompagnés d'une bande de bons acteurs amis dans la vie ne fait pas forcément un bon film.
Carlit0
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le 14 sept. 2011

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