"Les Premiers les Derniers" commence très mal : par une esthétique post apocalyptique qui caresse le public actuel dans le sens du poil. Dans des paysages ravagés, au milieu de bâtiments laids et décrépis, des êtres fatigués ou débiles courent sans conviction après de vagues "McGuffins" qui servent à Lanners à justifier à peu près n'importe quoi, pourvu que ça soit lent, décati, sinistre... et filmé avec une indéniable élégance. Le pire arrive quand Jésus débarque (je me souviens d'une citation des 70's : "Tout bouquin (ou film) où il y a Jésus, c'est forcément mauvais...") : là on se dit que Lanners se fout vraiment de notre tronche. On est prêt à abandonner devant une telle accumulation de poncifs, devant ce faux geste artistique qui sent la frime et le manque d'inspiration. Et puis quelque chose arrive, à peu près à la moitié du film : d'abord une femme, puis Lonsdale - l'acteur qui peut transcender n'importe quel film pourvu qu'on le laisse 5 minutes à l'écran -, puis Max Von Sydow, éternellement vieux. Ainsi renaît l'humanité - sujet du film, ok, ok... -, et les personnages ont quelque chose à dire, à faire, et "les Premiers les Derniers" dépasse - enfin - le stade de la pose artistique pour devenir du vrai cinéma. Lanners a alors l'intelligence de laisser hors champs ses "méchants" stéréotypés s'entretuer loin de nos regards, pour filmer des gens qui ont quelque chose à vivre ensemble. Parce que "Vivre, c'est plus que respirer" (Lonsdale) : le film devrait commencer là. Malheureusement il se termine. [Critique écrite en 2016]

EricDebarnot
6
Écrit par

Créée

le 13 juin 2016

Critique lue 462 fois

7 j'aime

8 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 462 fois

7
8

D'autres avis sur Les Premiers, les Derniers

Les Premiers, les Derniers
pphf
9

L'humanité*

(*L’humanité au double sens du terme, comme dans le film de Bruno Dumont : l’ensemble des êtres humains, des bipèdes ; et aussi la compréhension, la compassion envers les humains. Mais à entendre,...

Par

le 3 févr. 2016

41 j'aime

7

Les Premiers, les Derniers
Sergent_Pepper
8

Heureux les simples épris.

Il suffit de quelques plans pour retrouver ce qui fait désormais l’âme singulière du cinéma de Bouli Lanners : une primauté accordée à l’image, des informations lacunaires, et un parcours de...

le 17 janv. 2017

29 j'aime

11

Les Premiers, les Derniers
SeverineGodet
8

Western poétique dans la Beauce

Merci Senscritique de m'avoir permis de découvrir ce soir un grand acteur et un grand cinéaste, Bouli Lanners. "Les Premiers, les Derniers" c'est un concentré d'honnêteté mis sur pellicule, de la...

le 11 janv. 2016

27 j'aime

3

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

104

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

184 j'aime

25