Sofia Coppola aime les films en costumes, et cela se ressent dans ce récit à l'ambiance plus que jamais cotonneuse, pleine de mousseline et de volants. Ici pourtant, il n'y a pas l'exubérance volontairement anachronique de Marie-Antoinette. La réalisatrice troque la folie pour la retenue dans cette histoire qui se veut plus réaliste et pleine de tensions.


Les Proies (en anglais The Beguiled, "les séduites", ce qui est plus adapté, mais moins vendeur) nous raconte comment l'arrivée d'un soldat Yankee va chambouler le quotidien des quelques pensionnaires d'un pensionnat sudiste. Ces femmes, (enfants, adolescentes, adultes ou d'âge mûr) vont alors faire face à leur curiosité, leurs envies et désirs face à lui, mais aussi à la concurrence et la jalousie.


Sofia Coppola ne sait pas raconter de péripéties et jamais le film ne tirera profit de ses situations. Certains moments de l'intrigue pouvaient donner lieu à quelques moments de tension, mais jamais la réalisatrice ne s'y engouffrera. Ce n'est ni son envie, ni son sujet. Deux soldats sudistes viennent dans la maison, mais aucun tension quant à la présence du soldat Yankee. La scène du repas aussi pouvait donner lieu à une lutte de pouvoir et non à cette fin expéditive. Enfin, la prise de pouvoir par le soldat est très épisodique et il aurait été intéressant de voir son comportement en position de force dans cette enclave hors du monde, ou presque.
Cependant il y a une grande réussite dans ce film : son ambiance.


L'atmosphère de la Virginie, son domaine coupé du reste du monde baignant dans les brumes et la végétation luxuriante est une réussite. Le soldat, campé par Colin Farrell, entre alors dans un paradis terrestre. Peuplé de nymphes, il croit pouvoir y jouir du repos et des plaisirs sans en payer le prix. C'est oublier l'importance des grilles du domaine. Elles ne sont pas coincées avec lui, il est enfermé avec elles. En cela le titre français est assez incompréhensible.
Il est agréable aussi de voir que Sofia Coppola montre une certaine délicatesse dans la mise en place de sa symbolique. La scène où John coupe du bois et qui annonce ses déboires à venir est à l'image des quelques paraboles que la réalisatrice va disséminer tout au long de son film. Ces dernières, principalement sexuelles, décrivent le corps féminin, principalement son intimité et les dangers pour l'homme, qui n'a pas été invité, d'y pénétrer. Tailler les rosiers sauvages de la propriété sera par exemple impossible pour Colin Farrell. Rien à voir donc avec la symbolique parfois lourdingue de Mother !.
Les cadres sont maîtrisés et la colorimétrie, sublime, sont au service du récit sans pour autant s'interdire quelques compositions très artistiques.
Cependant, si le film est agréable à regarder et que jamais il n'ennuie, l'incapacité à profiter de ses situations ou d'offrir à ses actrices des dialogues marquants est un réel problème. La lutte de pouvoir perd en intensité et le film n'arrive pas à convaincre pleinement, malgré un dernier acte (et une dernière scène) prenant, mais hélas sous exploité.


Il est dommage de se contenter d'un film seulement distrayant pour une réalisatrice si intéressante.

StevenMcGuffin
6
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le 30 sept. 2017

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Steven McGuffin

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