Avec Virgin Sucides, Lost in Translation, voire Marie-Antoinette, Sofia Coppola avait le vent en poupe. Il faut dire que ces premiers "essais" en tant que réalisatrice étaient tout à fait remarquable.
Un âge d'or qui s'est, malheureusement pour elle, délité avec le temps et la sortie de Somewhere et The Bling Ring, qui, sans être mauvais (loin de là même), ont pourtant été accueillis tièdement par la critique et par les spectateurs.
Quatre ans après son dernier film, Les Proies (traduction pompeuse et pour le coup très inadaptée du titre original...) faisait donc office de mise à l'épreuve pour la réalisatrice américaine.
Alors retour en forme ou coup d'arrêt confirmé?


Sofia Coppola semble aimer l'Histoire. Après nous avoir emmené dans les tumultes du château de Versailles, nous voici cette fois en Virginie, en pleine guerre de Sécession.
Comme pour Marie-Antoinette, le cadre s'en tiendra cependant essentiellement à un quasi huis clos. Nous retrouvons donc un casting assez impressionnant, composé de l'éternelle Nicole Kidman, de la petite favorite Kirsten Dunst (qui vieillit plutôt mal, il faut bien le reconnaitre), de l'étoile montante -et toujours plus belle- Elle Fanning et enfin du bon vieux Colin Farrell, dont on se demande toujours si la présence dans un film est une bonne nouvelle ou non.
A ce niveau, tous font plus ou moins le job, même si sans vouloir s'acharner sur lui, la prestation de Farrel est tout de même plutôt faiblarde. On notera en revanche les débuts prometteurs des plus jeunes actrices telles que Oona Laurence.
Le problème n'est finalement pas tant la performance des acteurs, que ce dont Sofia Coppola a fait de ses personnages. Il n'y a pas grand chose qui dépasse et tous ont tendance à manquer de profondeur, de relief, de nuance. On cerne vite la personnalité des uns et des autres et on reste là.
Pourtant, toute l'histoire doit normalement reposer là dessus: les difficultés de chacunes à évoluer dans un contexte étouffant et strict, perturbé par l'arrivée d'un inconnu dont le jeu pourrait s'avérer trouble. Mais on ne sent tout cela que trop peu, si bien que les moments charnières du film donnent souvent l'impression d'arriver comme un cheveu sur la soupe.La narration et le déroulement de l'histoire manquent de subtilité.
Ainsi notre caporal arrive sur place pour se soigner et voilà que toutes ces dames en sont folles (même les gamines, à leur manière) et peinent bien à le dissimuler. Quel tombeur ce Colin, lui qui se contente pourtant de rester allongé dans son lit et de s'excuser pour le dérangement!
Autant dire que The Beguiled version Coppola manque cruellement de tension, de désir, de sournoiserie...et ne vient donc à aucun moment sortir le spectateur de sa zone de confort. Tout ce qui aurait pu donner du corps à l’œuvre est survolé ou lissé. A tel point même que par rapport à l'original, les rôles semblent s'inverser (qui est vraiment la proie?) et les événements arriver un peu hasard.


Alors bien sûr, tout n'est pas négatif. Le film se regarde tranquillement, un peu trop peut-être. Et Sofia Coppola a tendance à servir sur un plateau ce que l'on attend d'elle: des jolies lumières, quelques beaux plans...et bien sûr, il y a cette magnifique maison coloniale et ses colonnes ioniques...
On pourra également mettre un bémol sur les musiques, rares et plutôt anecdotiques.


Finalement, un des rares points qui posera réellement question sera le plan final. Plan presque vindicatif qui semble plutôt hors propos eu égard au contenu du film. Chacun se fera son opinion...


L'histoire The Beguiled semblait être quasiment du pré-mâché pour Sofia Coppola, dont on attendait qu'elle se l'approprie et en fasse un film à la fois fort et esthétique.
Si globalement, le résultat n'est pas désagréable ni ennuyeux, loin s'en faut, on ne peut que déplorer un traitement édulcoré de l'ensemble. Un ressenti qui sera particulièrement vrai pour ceux qui connaissent la première version, signée Don Siegel, avec Clint Eastwood incarnant le Caporal McBurney.
Difficile de dire si la réalisatrice a été bridée dans son travail, toujours est-il que le résultat final est frustrant tant on sent qu'il y avait autre chose à faire. Sofia Coppola donne l'impression de s'enfermer dans ses propres carcans et de ne plus être en mesure d'extraire la substantifique moelle des histoires qu'elle raconte.
Sans être un ratage total, on tient tout de même sa réalisation la plus faible à ce jour.

billyjoe
6
Écrit par

Créée

le 29 août 2017

Critique lue 339 fois

2 j'aime

Billy Joe

Écrit par

Critique lue 339 fois

2

D'autres avis sur Les Proies

Les Proies
Behind_the_Mask
5

Un film où il n'y a bien que les champignons qui soient vénéneux

Comme la vie, le cinéma réserve parfois des mauvaises surprises et des occasions manquées. Les Proies fait sans aucun doute partie de la seconde catégorie. Car je suis le premier à dire qu'il faut...

le 23 août 2017

85 j'aime

29

Les Proies
LeBlogDuCinéma
4

La version soft et féminine de Sofia Coppola

Sofia Coppola réalise une version miroir du film Les Proies (1971) de Don Siegel, mais en y apportant une épure scénaristique, aux conséquences regrettables. En pleine guerre de sécession, un soldat...

le 5 juin 2017

62 j'aime

2

Les Proies
Lulisheva
5

Tiré(es) à quatre épingles

C'est clair, Sofia Coppola avait un bon sujet entre les mains. Grâce à son esthétique parfaitement travaillée elle aurait pu nous livrer une alternative de Mademoiselle. Malheureusement le film...

le 23 août 2017

46 j'aime

31

Du même critique

Deux fils
billyjoe
7

Le cœur des hommes

On connaissait Félix Moati, l'acteur. S'il n'a pas joué que dans des chefs-d'oeuvre, le jeune homme a déjà une filmographie relativement dense. A 28 ans seulement, il sort en ce début d'année, son...

le 12 janv. 2019

13 j'aime

Dernier train pour Busan
billyjoe
7

Zombiepiercer

Le cinéma coréen a le vent en poupe, et il le mérite bien. Ces dernières années, les productions de qualité en provenance du « pays du matin calme » ont explosé. Le créneau fantastique est d’ailleurs...

le 1 sept. 2016

11 j'aime

La La Land
billyjoe
8

L.A Music Hall

A Damien Chazelle, on devait déjà le très bon Whiplash en 2014. A seulement 32 ans, et pour son troisième film en tant que réalisateur, Chazelle se plonge à nouveau dans le monde de la musique avec...

le 22 févr. 2017

9 j'aime