Voici venu le dernier film de la talentueuse Sofia Coppola. Après des films comme Somewhere ou Lost in Translation, autant dire que j'attendais "Les proies" au tournant. Mérite t-il le détour ?


Epineuse sera la réponse. Il est clair que le film nous laisse avec ce sentiment plat et une envie de plus. Comme un joli amuse bouche qu'on nous sert au repas de Noel avant de passer aux choses sérieuses. Mais il est bon de voir que dans la vie, les préliminaires ont parfois cette subtilité que n'a pas forcément le coït qui s'en suit.


Comme a son habitude Sofia Coppola nous offre tout ce qu'elle sait faire de mieux: des gens qui s'ennuient, une ambiance délicate et atmosphérique, une mise en scène contemplative avec une faible profondeur de champ, et bien sûr ses éternels sujets qui la fascine tels que la séduction, l'adolescence mais aussi la séduction (lol). Si vous étiez venu chercher de la nouveauté dans sa filmographie passez votre chemin.


Dans ce remake qui n'en ai pas vraiment un, Sofia Coppola semble arrondir les angles, humaniser les personnages et peut être donner un aspect plus féminin à l'histoire. Il en ressort alors un huit clos intimiste, mêlant harmonieusement tension psychologiques, intériorité des personnages et contexte historique (guerre de sécession) certes pas très visible à l'écran mais qui pèse autour de cette (trop) grande maison et qui, gros point fort du film, impact directement les comportements des personnages, notamment pour les protagonistes adultes bousculés dans leur repaires. La violence soudaine du personnage de Colin Farell peut alors s'expliquer par son ancien quotidien rempli de violence.


On sent de la part de Sofia Coppola une volonté d'écriture non manichéenne des personnages. D'abord pour notre cher Colin qui paraît plus être un séducteur compulsif qu'un très mauvais bougre. Après tout, la libido agit ici des deux côtés, et sa vulnérabilité peut éveiller en lui un besoin de compenser. Mais aussi pour les personnages féminins tous intéressants pour la plupart ( dommage que deux des filles du foyer ne soit presque d'aucune utilité et n'ont aucun traits caractéristiques) nous offrant ainsi plusieurs postures générationnelles et personnelles a analyser face à l'attirance.


On va pas se mentir: c'est beau. Bon voilà, on peut pas dire le contraire, le travail de l'image pour le rendu pellicule est à honorer, et rarement gratuit dans le sens purement contemplatif du terme, car ces brumes et ces arbres menaçants se marient parfaitement avec les enjeux caliente ( ou pas) qui se trame dans la barraque. Il s'en dégage une ambiance très vintage (avec ce sépia apparent), s'ancrant bien dans le contexte du film. Ce denier a un atmosphère que je trouve typique des films des années 70, avec le côté planant en plus typique de la réalisatrice. Bien que les teintes soient majoritairement roses, je ressens un côté plus sombre que ses films précèdents, ce qui peut s'expliquer par le genre du thriller presque inédit pour la réalisatrice.


Et on sent bien que Sofia Coppola, fidèle a elle même, n'est pas là pour choquer, même dans un film qui traite ouvertement de sexualité. Ses intentions semblent plus être dans cette volonté d'être intimiste, de déceler des choses infiniments complexes dans ce qui semble être anodin, comme un simple regard. D'être doux en surface, telle la dentelle que les personnages confectionnent mais tout en montrant que cette dentelle est faite de plis et d'apparentes déchirures. Vous avez trouvé le film chiant ? Vous avez trouvez qu'il ne se passait rien ? Je vous invite à visionner Somewhere. Mais le problème est peut être là. La où cette platitude volontaire fonctionnait dans Somewhere ou dans Lost in Translation, profondéments actuels et sensitifs et appartenant aux genres du drame indépendant pour l'un et film romantique pour l'autre, ici c'est un peu plus délicat. Car il n'en demeure pas moins que ce film fait monter la pression comme dans un thriller et on est parfois déboussoler de voir qu'il ne se passe pas forcément grand chose. Au point où le "climax" du film tombe un peu à l'eau, tellement on avait compris de quoi il en retourner et tellement le film ne veut pas choquer. Alors certes, ne pas choquer peut se voir comme une façon louable d'esquiver la facilité, mais au final, pour ma part, le film en devient pas si marquant que ça. Peut être que des fois en étant plus cru, le film aurait gagner en intensité. Reste le jeu d'acteur de ce casting farambolesque pour se consoler. On voit là que le dosage est compliqué: entre soft et choc, que faut-il choisir ?


Un film beau, donc, subtil, intimiste, délicat... Mais pas forcement intense.

sickk_boy
6
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le 22 févr. 2018

Critique lue 230 fois

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sickk_boy

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