mai 2011:

Je n'ai pas souvenir d'avoir jamais été transporté par un film de Siegel. Celui-là moins qu'un autre. Gentil mais sans plus. Il est bien brave pourtant. Mais encore? Parce que je vois bien que tout cela peut sembler méchant de ma part.

En fait, cette terrible histoire prend sur la fin une tournure fabuleuse, celle d'un conte moral très cruel, de quoi montrer du doigt les perversités et le cynisme d'un monde à l'agonie. Ce trait mordant et rieur m'a plutôt plu, faisant penser au rire des films de Chabrol, narquois, moqueur et surtout très incisif.

Je suis un peu plus réservé sur la mise en image de Don Siegel ainsi que sur l'usage de la musique qui paraissent très patauds, dans un excès visuel et sonore qui rappelle les facilités des productions télévisées de l'époque. Le ton à certains moments trop criards m'a souvent sorti du film.

Certaines comédiennes ne font pas toujours preuve de subtilité dans leur jeu. Clint Eastwood lui même ne m'apparait pas non plus excellent.

J'ai beaucoup apprécié au contraire Geraldine Page, Elizabeth Hartman et Mae Mercer. Ces trois là ne me permettent donc pas de fustiger en bloc la direction d'acteurs de Don Siegel.

Comme l'histoire ne vaut que pour sa conclusion, ou morale en quelques sorte comme dans toute bonne fable qui se doit, ces imperfections ne sont pas vraiment dommageables. C'est juste qu'au delà de la diatribe violente à l'encontre d'une société cloisonnée où les bonnes mœurs étouffent les élans naturels, d'une manière d'autant plus intense que cette société est en proie à la peur et la guerre, au delà de cette critique le film écrase son propos par un excès de caricature.

Au final, tous les personnages sont détruits, abimés par l'amoralité, non pas uniquement sexuelle, mais bel et bien dans tous les rapports, de séduction, d'intérêt et de dépendances qui sont censés calibrer voire identifier les individus dans leurs rôles sociaux. Même la petite fille (Pamelyn Ferdin) est finalement corrompue par la perversion de valeurs témoignée par les adultes en face d'elle.

Ce qui m'embête le plus, c'est que cette situation schématique et au final paroxystique est consécutive de démarches et d'attitudes portées par des personnages au mieux extrêmement naïfs, au pire complètement crétins, en tout cas aveuglés par leur nombril. Ils s'avèrent aisément condamnables, des têtes à claques dont on a peine à porter le deuil tant ils génèrent peu de sympathie à leur encontre.

En somme, le film fait sourire par la férocité dont il fait preuve à l'égard de ses personnages mais sa portée me semble assez courte. Juste un petit divertissement, gentiment noir.
Alligator
5
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le 19 avr. 2013

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