C'est toujours difficile de recevoir un monument de la culture (française qui plus est) après tout le monde, comme si le poids du regard des autres pesait sur nos réactions. Il faut s'attendre à ce que des scènes soient cultes, à ce que le film nous emballe... et ici, ce fût totalement le cas.
Je regarde généralement la Nouvelle Vague avec crainte, comme si le temps qui nous sépare avait lissé ce brin révolutionnaire qui est devenu un code comme un autre de nos jours. Mais ici, rien de tout cela, simplement un enfant qui vit, évolue et cherche sa place.
Parce que le film repose à mon sens sur deux éléments clés: Jean-Pierre Léaud, qui dès son plus jeune âge, attrape notre attention sans jamais la laisser filer, et le talent de Truffaut, qui parvient à rendre savoureux ce qui paraît commun sur le papier.
Les Quatre Cents Coups se démarque rapidement par la beauté d'une France que je ne saurai jamais connaître: un Paris sublimé par le noir et blanc, une dame de fer qui résiste à l'épreuve du temps, un peuple qui se remet des événements passés, une manière de vivre (l'école à l'ancienne, le parlé, les habitudes, le logement) si différente de la notre.
Ce décor sera dès lors le terrain de jeu d'un enfant qui a le malheur d'être plus attiré par le cinéma que par la poésie que l'on fait rentrer au marteau-piqueur dans la tête des écoliers. Lorsqu'on goûte à la liberté un jour, cela devient compliqué de regagner les rangs de ceux qui ignorent son piquant. Alors on y retourne, comme une addiction. Il le sait que c'est mauvais, des problèmes finiront bien par arriver.. mais Antoine aura vécu plus que les autres avec son camarade buissonnier.
Et puis, au final de tout cela, la vie lui laissait-il une chance d'aimer réellement Balzac, naturellement? Il lui est demandé d'aimer des choses si abstraites alors que de l'autre côté de la rue, des films parlent mieux que des auteurs adulés on ne sait trop pourquoi. Une pédagogie qui laisse les égarés s'égarer encore plus, une sociologie de la famille qui ne peut aider l'enfant à retrouver le droit chemin par lui-même.. Bref, si Antoine agit ainsi, c'est peut-être par une sorte de sensibilité qui ne sait trouver sa place, qui ne sait être reconnue dans un monde où l'on demande aux esprits libres d'agir d'une certaine manière.
Ce qui devait arriver arriva et Antoine n'a pas le temps de pleurer ce décor parisien si beau qu'il se retrouve en pension, loin de tout plaisir libertaire. Comme le montrera si bien la caméra de Truffaut, enfermer un être qui aspire à être libre ne saurait être permanent, l'esprit fugace trouvera tôt ou tard le moyen de s'échapper (ou s'émanciper?).
Peu importe de ce qui constituera demain. Peu importe que maman trompe papa (enfin..). On ne peut faire rentrer l'humain dans une case, le soumettre à des institutions qui formatent. Quand demain arrivera, Antoine trouvera bien un moyen pour s'en sortir. Au pire, il aura vécu.