Mon premier Truffaut, et une plongée plus concrète dans le monde de la nouvelle vague. Je suis très agréablement surpris, on remarque directement l'arrivée de la jeunesse, et d'une plus grande liberté de mise en scène grâce au mouvement. ça commence par un long travelling sur lequel s'inscrit le générique du film, accompagné de l'excellente composition de Jean Constantin. On se retrouve alors directement plongé dans le contexte spatio-temporel, la fin des années 50 à Paris. Et l'introduction du film prolonge cette contextualisation par une séquence véritablement brillante et plutôt longue, soit un cours d'école figuré distinctement par le professeur et ses élèves. C'est une scène qui pose aussi la qualité de la nouvelle vague, qui pour moi, au-delà de l'évolution de la grammaire cinématographique, se traduit par la vivacité contenue dans le cadre. Les personnages bougent, parlent, vivent, agissent avec une fougue propres au mouvement cinématographique.
On voit alors tout de suite sur quoi va se concentrer Truffaut pour Les 400 coups: qui est cet enfant de 12 ans, Antoine Doinel face à l'adulte, que ce soient ses parents ou son professeur d'école.

Le film continue brillamment sur sa lancée, et ne quitte jamais Doinel (interprété par le brillant Jean-Pierre Léaud) des yeux. Sa force se situe aussi là, précisément, puisque la caméra accompagne l'enfant dans chacune de ses actions de la vie quotidienne, dans ses interactions avec ses parents, ses camarades d'école, les autorités, enfin autant dire qu'elle crée cette relation entre lui-même et la ville de Paris. Puis il y a ce caractère un peu épisodique qui ressort dans la structure du film, chaque séquence possède un ou deux sujets d'action précis, exploités autour d'un même contexte spatial, même si le réalisateur n'oublie pas de tourner des scènes transitives afin de garder la fluidité de l'action. Par exemple Doinel rentre de l'école, et se retrouve confronté au foyer familial et ses obligations, soit entretenir les lieux et faire ses devoirs avant que les parents rentrent.. D'ailleurs Truffaut inscrit la routine de l'écolier dans ces deux premières séquences, entre école et maison, dans le but de mieux la déconstruire par après.
L'enfant ici est tout sauf un enfant exemplaire, partagé entre des parents qui portent une attention moyenne à leur enfant, une mère souvent énervée, et un père un peu partagé entre l'oisiveté de l'enfance et la sévérité parentale. Doinel profite donc de l'inattention de ses parents pour chercher son indépendance, s'échapper, avec son voisin de classe, dans plusieurs séquences toutes aussi belles les unes que les autres, partagées entre la comédie et le drame, suivant les situations qu'il rencontre. Jean-Pierre Léaud porte le film à merveille, je le savais déjà impressionnant dans son passage adulte, mais je ne l'imaginais pas aussi magnétique à cet âge là. Il a déjà cette diction qui nous accroche à l'écran, au monde qu'il rend passionnant.
Aussi je voulais parler du choix du format pour le film, en 2.35:1, qui m'a curieusement surpris sur le coup, ça me semblait plutôt inhabituel en France pour l'époque, même si je peux me tromper. En tout cas il s'adapte parfaitement à l'imagerie du film, celle de l'enfant qui par sa petite taille n'a que l'horizon pour s'échapper.

Avec ce premier film Truffaut pose de grandes bases et propose de grandes idées. C'est un cinéma qui prend de la vraie vie pour créer une histoire passionnante, si criante de vérité qu'on la confondrait presque avec un documentaire. Sans oublier le plan final, absolument magnifique.
endist
8
Écrit par

Créée

le 18 nov. 2014

Critique lue 583 fois

1 j'aime

Justin M

Écrit par

Critique lue 583 fois

1

D'autres avis sur Les Quatre Cents Coups

Les Quatre Cents Coups
Mattchupichu77
9

A défaut d'une mère, Allons voir la mer ...

Si Antoine (magnifique Jean-Pierre Léaud) n'est pas forcément le fils parfait, il n'est pas aidé par son entourage. Il y a son père, le gentil mais colérique Julien Doinel (Albert Rémy) mais aussi...

le 10 févr. 2015

86 j'aime

6

Les Quatre Cents Coups
Citlal
5

Critique de Les Quatre Cents Coups par Citlal

J'avoue que je me suis plutôt ennuyée devant les frasques de ce gamin, ma foi sympathique, mais qui n'ont pas réveillé en moi une émotion particulière. Alors, je comprends bien que cette manière de...

le 8 sept. 2019

29 j'aime

5

Les Quatre Cents Coups
Truman-
8

Les Kaïra

Avec les quatre cents coups François Truffaut filme la jeunesse avec sincérité comme on ne l'avait jamais vu en 1959, une jeunesse perdu en quête de liberté face a des problèmes familiaux ou scolaire...

le 25 nov. 2013

26 j'aime

2

Du même critique

Belle de jour
endist
5

Critique de Belle de jour par Justin M

Je m'attendais à mieux pour un Buñuel comme celui-ci. Dans un couple riche, la femme (Catherine Deneuve) se retrouve lassée de son mari et prend conscience des fantasmes qui la hante. Dit comme ça,...

le 24 oct. 2014

7 j'aime

L'Œuf de l'ange
endist
8

Une oeuvre animée très mature et mystérieuse, dont l'interprétation dépend du spectateur.

Je vais écrire un court avis dessus, histoire de ne pas trop en dire sans pour autant oublier l'essentiel, parce que L'oeuf de l'ange est une oeuvre animée très mystérieuse. Mystérieuse dans le sens...

le 28 avr. 2013

7 j'aime

2

Double Assassinat dans la rue Morgue
endist
6

Critique de Double Assassinat dans la rue Morgue par Justin M

Parmi la multitude des rôles qu'a pu jouer Bela Lugosi figure ici l'illustration d'un savant fou, obsédé par la possibilité de mêler le sang du gorille qu'il présente à celui de l'être humain, dans...

le 10 févr. 2015

3 j'aime