"La seule chose qu'on puisse nous reprocher, c'est notre élégance": voilà une phrase en forme de programme. Dans ce film où tout paraît presque trop beau (le décor, les costumes, la neige et le soleil d'hiver au dehors), l'élégance devient vite une limite: Yann Gonzalez en est pleinement conscient et refuse de s'en tenir à un programme aussi étroit et superficiel. Une fois qu'a eu lieu le défilé des personnages (et il faut entendre le mot "défilé" dans son sens le plus littéral: on se montre, on passe devant le "jukebox sensoriel" et on danse sur sa musique), s'impose la nécessité du récit. Se dévoile alors l'autre facette de ces Rencontres: transformer le paraître en être, transcender le dispositif théâtral installé par les premières scènes pour faire du film un "soleil couchant (...) superbe, sans chaleur et plein de mélancolie." (Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne). La mise en oeuvre de ce projet passe à la fois par la parole des personnages (chacun se raconte à tour de rôle) et par l'intrusion de séquences oniriques proches du conte: la Chienne (Julie Brémond) traverse de petites pièces rouges et se voit vieillir au milieu d'hommes nus posant comme des statues grecques, le couple d'amants (Niels Schneider et Kate Moran) et la bonne transposent leur histoire dans un conte oriental où il est question d'amour, de mort et de résurrection. Mais comment pouvez-vous croire à des histoires pareilles, se demande alors le personnage de la Star (Fabienne Babe)? Et Cantona de répondre: "Vous avez donc perdu toute capacité de croyance?". Par ce bref échange, on comprend que Gonzalez ne croit pas vraiment à ses histoires, que son geste est avant tout narcissique. Comme s'il voulait nous dire: regardez comme je crois au cinéma, moi. Ce narcissisme, élevé au rang de manifeste (pour un cinéma qui se voudrait lyrique et irréaliste) exclut le spectateur et transforme la partouze attendue en buffet froid. Voir plus sur mon blog.