C'est triste à dire, mais sous bien des aspects Les Rivières Pourpres me rappelle beaucoup ces séries policières françaises des années 90, comme Julie Lescaut ou Une Femme d'Honneur, avec cependant un propos beaucoup moins léger et bien plus noir.


J'ai beaucoup apprécié les péripéties, le film va vraiment en se bonifiant (exceptée la fin, j'y reviendrai). Mais au début, tous les personnages qui nous sont présentés sont antipathiques, tant Jean Reno qui ne répond à aucune des questions qu'on lui pose ou Vincent Cassel fidèle à son sang chaud. Les deux forment cependant un duo harmonieux. En dehors de ce duo, les personnages sont insignifiants, et les flics figurants font même office de touche comique (comme Une Femme d'Honneur, je vous dis !).


Heureusement Jean Reno et Vincent Cassel restent de remarquables interprètes : le vrai souci que j'ai avec Les Rivières Pourpres vient plutôt de la réalisation. Certes, Kassovitz a la réputation d'être plutôt audacieux et innovant, et ça fonctionne parfois très bien comme dans La Haine, mais dans Les Rivières Pourpres, tout est surfait. L'ambiance est très noire, et même trop, si bien que ça paraît extrapolé et aucunement nécessaire.


Le directeur de la fac méfiant qui défend sa communauté d'élèves témoigne d'une réaction improbable qui porte atteinte à la crédibilité de l'histoire. Il en va de même avec la bonne sœur enfermée depuis 15 ans, avec ses yeux aveuglés et ses paroles quasi-prophétiques...


Certains aspects techniques des Rivières Pourpres vont également dans le sens de la démesure. La caméra de Kassovitz, à deux reprises, tourne autour d'un personnage pour signifier un éclair de génie, alors qu'il n'y a rien de renversant : un mouvement de caméra doit être pourvu d'une intention réelle, sinon c'est malhabile... A l'inverse, on a droit à de bons gros travellings contrariés pour de plus croustillantes révélations, mais un autre au début du film durant un plan pourtant très banal, et dont la raison de la présence m'échappe totalement.


Que ce soit clair, Bruno Coulais est un excellent compositeur de musiques de films, je ne démentirai jamais cela. Mais dans Les Rivières Pourpres, au-delà du fait que la BO soit plutôt terne, elle est omniprésente et ça en devient agaçant. La musique dégoulinante de Bruno Coulais déborde parfois sur les dialogues, et elle est présente durant des passages qui se passeraient volontiers de fond sonore (je ne citerai pas de passage spécifique, je me suis fait cette réflexion durant tout le film...).


C'est malheureux, parce qu'il y a pourtant d'excellentes scènes de péripéties ! Je pense notamment à l'altercation haletante entre Vincent Cassel et les skinheads, la course-poursuite en voiture, ainsi qu'à la plupart des scènes où on suit le duo en action ! Mais à côté de ça, on a un dénouement discutable, car bien qu'il soit cohérent et assez surprenant... On n'en a rien à faire. L'enquête est alambiquée, avec des enchaînements assez obscurs... Par conséquent, le twist n'est pas mauvais, mais juste sans saveur.


Il y a de bonnes idées dans Les Rivières Pourpres, puisque les péripéties sont assez captivantes. Cependant, le film n'est majoritairement pas convaincant, et la thématique intéressante de l'eugénisme n'est qu'abordée superficiellement, et est voilée par le fait qu'on soit avant tout dans un thriller. C'est comme si Kassovitz mélangeait de bons ingrédients qui ne vont pas ensemble : le rendu est assez maladroit, artificiel, fade.

Monsieur_Cintre
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le 24 sept. 2020

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Monsieur_Cintre

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