Les saisons du plaisir (comédie, 1988.)


    Les hasards de la vie font que l'on en arrive à faire certains choix. Le mien s'est arrêté, allez savoir pourquoi, sur ce film de **Jean-Pierre Mocky** (1929-2019), réalisateur de la nouvelle vague. Parfois classé comme confidentiel, mais prospère (plus de 60 films, deux séries Mister Mocky présente et Hitchcock by Mocky). Il a aussi su porter au plus grand nombre certaines de ses réalisations ( *Un drôle de paroissien* (1963), *A mort l'arbitre* (1983) ). Celle que je vous propose aujourd'hui, révèle une odeur d'humus, de musc, et d'un peu de scandale. En effet, *« Les saisons du plaisir »* a pu faire jaser en son temps par son affiche au combien provocatrice et suggestive, mais qui lui valut d'être nommée pour le César de la meilleure affiche, dont on ne peut que regretter la suppression quand on voit le peu d'efforts produits et le peu d'inventivité des affiches des films (français en l'occurrence) qui ne peuvent être des arguments d'attractivité en salle, tellement elles sont toutes soeurs.
Un week-end d'été dans la garrigue, un château, des invités, un couple de centenaires et un sujet : LE SEXE ! (Il paraît que c'est mieux quand c'est (écrit) gros.). Les cadres et employés d'un grand ponte de la parfumerie sont invités au séminaire annuel du grand patron et de sa femme : Charles Van Bert (**Charles Vanel**) et Emmanuelle Van Bert **(Denise Grey**). Cette rencontre annuelle est particulière, puisqu'il s'agit de la dernière du tôlier, qui s'apprête à lâcher les rennes pour partir avec sa femme s'installer à la campagne, avec quelques chèvres, 1000 ou 2000 pour commencer. Alors, comme toujours les intrigants intriguent, fomentent et cherchent à faire trébucher le concurrent. Il est difficile de présenter les personnages, tellement cet arc de l'intrigue n'est pas le cœur du film. Cependant, citons Bernard Germain (**Jean Poiret**), qui incarne le m'as tu vu bourré de fric et de chic bourgeois marié à une femme aux penchants divers (**Eva Darlan**) ; Daniel Daniel (**Darry Cowl**), homosexuel sur le déclin en quête d'un nouveau minet à séduire ; Paul (**Jean-Luc Bideau**) le plus « normal » ayant laissé tomber sa libido au profit des saveurs du palais ; Jacques (**Jean-Pierre Bacri**) le mari de la petite-fille des deux centenaires ou encore Gus Sirroco (**Roland Blanche**), parfumeur de supérette au physique peu engageant, mais à la voracité sexuelle inversement proportionnelle. Il n'hésite pas à arroser de billets ses vendeuses pour quelques faveurs.
Finalement, tous ces gens ne sont travaillés que par une chose : le sexe ! Voyeur, seul, entre hommes, entre femmes, avec un jeune, une vieille, dans la nature, en public, dans les magasines, au téléphone, au minitel,en VHS, en songe, la taille, la forme, la pilosité. Tous sont rongés par la recherche de la chair ou par son absence. Tous sont rongés par la lubricité assumée ou honteuse, les enfants comme les sexagénaires ou les eunuques. Seuls les centenaires passent outre, et seulement à renfort de bromure, la potion magique d'un Astérix à la moustache molle et au glaive, certes enfiché dans son fourreau, mais en berne.
Ce film, traite d'une bourgeoisie (et pas seulement elle) en perte de repères, décadente, qui s'ennuie et cherche les moyens de s'extirper de la torpeur de la sacro-sainte vie hétérosexuelle, normée se limitant à une partenaire, et un(e) deuxième comme il est de bon ton chez tout bourgeois qui se respecte. Seule reste Ophélie (**Judith Godrèche**), jeune fille encore pure, qui ne demande qu'à céder à un charmant jeune homme, mais que sa mère (**Bernadette Lafont**) tente d'empêcher par tous les moyens pour qu'elle ne tombe pas comme elle jadis dans les pièges de la séduction et les mensonges d'une nuit d'été.
**Jean-Pierre Mocky**, à grands renforts de comédiens venus, comme souvent, par sympathie pour le réalisateur que pour l'appât du gain, nous offre une comédie sévèrement et savoureusement grivoise, à la hauteur de sa verVe légendaire. Mocky, connu pour ses coups de gueule et ses coups de sang, n'a pas fait de ce film un coup de cœur pour moi. On sent bien qu'il y a une idée de départ, mais qu'elle s'érode petit à petit au cours du film. L'intrigue autour de la succession de la parfumerie fait pschit (-pschit), et est sans grand intérêt. L'attrait que peut susciter ce film s'appuie assez largement sur son casting qui vient se retrouver pour s'amuser (Entre les prises, parce qu'avec Jean-Pierre quand ça tourne, ça tourne. La pellicule coûte cher.) et servir des dialogues corsés.

Je tiens aussi à souligner la prestation remarquée de Jacqueline Maillan, interprétant une sexagénaire femme-enfant, qui s'est lancée sur le tard dans l'animation de téléphone rose, car frustrée par la privation tragique et soudaine de relations intimes avec son mari, joué par Jean Abeillé, acteur fétiche du réalisateur (40 films ensembles). La scène du minitel entre Denise Grey qui interprète la mère de Jacqueline vaut sacrément le détour. Mention spéciale aux deux nonagénaires dont ce sont les avant-dernier et dernier rôles, deux acteurs mythiques du cinémas français qui commencèrent dans le muet : Denise Grey (« Le diable au corps » ou plus proche de nous « La Boum » avec Sophie Marceau) et Charles Vanel (« Les croix de bois », « Le salaire de la peur »).


    Bref, un film intéressant par son côté un peu foutraque. Tomber dessus un dimanche soir à 22h30  sur Chérie25, est une bonne excuse pour le regarder (Disons 5/10 pour se donner une idée.).

Signé Sarrus Jr.

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le 28 mars 2020

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