Echec et mat. Kurosawa se sert de tous les atouts à sa disposition pour remporter la partie de la plus belle des manières. Les sept samouraïs, réalisé en 1954, narre l'histoire de villageois au 17ème siècle qui subissaient régulièrement l'assaut d'une bande de voleur qui ne se faisaient pas prier pour voler les récoltes et vivres disponibles. Sous les conseils de l'Ancien, ils décidèrent de partir à la recherche de samouraïs pour leur apprendre à se défendre. Sept d'entre eux acceptent de venir au secours des paysans. Le film se base donc sur une triade de personnages que sont les paysans, les bandits et les samouraïs.

Trois castes différentes, trois cultures, trois enjeux. Mais comme le laisse sous-entendre le titre du film, les samouraïs occupent une place on ne peut plus importante. Les samouraïs sont des Ronins, autrement dit, ils vendent leurs services aux plus offrants. Ce type de samouraïs connut une grande expansion au milieu du 16ème siècle suite à la guerre civile de l'Onin entre 1467 et 1477. Kurosawa fait de ces sept personnages son élément régulateur de l'intrigue et son liant entre les différentes castes sociales. Le recrutement des Ronins occupe la première partie du film. Ils sont donc sept. Autant de portraits que le réalisateur japonais ne manquera pas de brosser au peigne fin. Il leur donne une épaisseur psychologique qui ne cessera de croire au fil de l'intrigue. Tout en subtilité, Kurosawa insère les éléments descriptifs de ses personnages, tantôt en prenant le temps de les coudre minutieusement, tantôt en procédant par des fulgurances à l'image par exemple de ce paysan qui reconnut sa femme sous les traits d'une prostituée du camp ennemi. Celle-ci prise de honte, préfèrera se laisser bruler dans l'incendie déclenché par les paysans, flammes salvatrices et dissimulatrices de ses pêchés.

Kurosawa tisse donc un ensemble de personnages très variés ayants chacun leur propres thèmes et sentiments, le tout donnant aussitôt une impression de richesse assez inédite et grisante. Il y a ici une gestion des personnages tout particulièrement intéressante, l'on s'intéresse à une immense palette d'hommes et de femmes et pourtant jamais l'intrigue ne perdra en cohérence, jamais l'on ne regrettera de s'intéresser à un personnage plutôt qu'à un autre. Les temps d'apparition à l'écran ainsi que les éléments de psychologie pure sont distribués avec maestria. Kurosawa déplace ses pions avec une agilité et une fluidité remarquable, en prenant le soin de n'en sacrifier aucun, conservant ainsi toute la force et le potentiel qui sont à sa disposition. Mention spéciale à l'acteur Toshiro Mifune (un habité des films du maître nippon) qui est auteur d'une prestation pour le moins excellente dans ce rôle assez atypique.

Mais le réalisateur nippon ne s'arrête pas là. Il profite de la diversité de la triade en présence pour désormais entrelacer les classes sociales et les enjeux qui leurs sont propres. D'ailleurs l'on remarquera que le compositeur Fumio Hayasaka –auteur par ailleurs de très bonnes compositions- a composé un thème pour chacune des classes sociales. Ce nouvel aspect aux élans historiques apporte dès lors une dimension supplémentaire à une œuvre qui n'en manquait aucunement. Mais ce qui est probablement le plus impressionnant ici se révèle être la gestion du rythme minutieuse au possible. L'on pourrait par exemple parler de la cohabitation entre les scènes de batailles, épiques et menées d'un rythme assez soutenu, et les scènes d'amour, beaucoup plus lentes et contemplatives (Kurosawa laisse ici une place importante à la nature). Kurosawa alterne les plans de batailles avec des plans beaucoup plus posés ayant pour intérêt d'accroitre la puissance de l'œuvre en mettant en exergue les personnages et l'attente du combat. Tout se déroule dans une fluidité assez folle et pour le moins bluffante. «Les sept samouraïs » c'est près de trois heures et demi de fresque épique qui n'en paraissent que la moitié. L'art du rythme s'accompagne d'une virtuosité des descriptions tant dans le réel que l'humain.

« Les sept samouraïs » pourrait se décrire comme un immense mouvement d'ensemble qui ne néglige jamais les détails. Une œuvre riche et globale, un choc culturel... L'œuvre n'aura pas volé son statut de chef-d'œuvre du septième art. « Nous avons encore perdu ! Ce sont les paysans les vainqueurs, pas nous !... »

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le 21 avr. 2012

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Dodeo

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