Le film n'est pas complexe et peut même paraître classique dans sa narration mais tout est si maîtrisé que pour ma part ce fut une sacrée claque qui me confirme tout le bien que je pensais d'Akira Kurosawa. Puis le classicisme n'en est pas vraiment un malgré un déroulement assez simple vu que le traitement donne une autre dimension au film. Aucun personnage du film n'est réellement délaissé même si plusieurs personnalités éclatent plus que d'autres. Les sept samouraïs engagés par le village de paysans ont leur raison d'être et ne combattent que pour le "privilège" d'avoir 3 repas par jour. Il ne s'agit donc pas là de protecteurs de personnages importants mais bien de samouraïs pauvres qui appliqueront leur code de l'honneur pour une maigre récompense qui assure néanmoins leur survie. Il s'agit bien ici d'une alliance entre différentes individualités, qui divergent parfois, dans un but commun et presque désintéressé. Kurosawa dépoussiérait ainsi le mythe du samouraï fier et aisé. Il l'humanisait même en nous montrant l'attirance que le jeune samouraï du film éprouve pour une paysanne du village, chose alors impossible vu le système des classes sociales de l'époque. C'est cette modernité thématique qui renforce le caractère universel du film dans l'ensemble. Le traitement des personnages et la densité thématique rendent ce film vraiment passionnant. D'autant plus que visuellement c'est la classe. La GRANDE classe. Niveau mise en scène, Akira Kurosawa est un géant. La multitude de plans sublimes ne surprend même plus à force mais demeure un régal pour la rétine. Leur composition est superbe. Ajoutons à cela une sublime photographie qui ne fait qu'embellir le tout et hop, nous obtenons là l'un des films les plus aboutis formellement qu'il me fut donné de voir. L'utilisation fréquente d'une profondeur de champ immense touche au sublime nous offrant ainsi des images de toute beauté. Kurosawa était décidément un grand faiseur d'images. La manière de filmer les batailles et affrontements est agréablement admirable. Le cinéaste sait balayer l'espace de sa caméra, rendant l'action particulièrement belle et fluide. C'est en cela que Les 7 samouraïs brille de nouveau (décidément il ne fait que briller ce film) pendant les scènes d'action. Celles-ci se révèlent intenses, réalistes, dynamiques et Kurosawa n'est pas avare en la matière. Du vrai cinéma épique en somme. Ca change du Hobbit quand même... Puis le film sait aussi rester léger malgré sa densité. L'humour y est omniprésent, notamment grâce à la présence du personnage de Kikuchiyo, un homme maladroit, fantasque mais bourré de bonne volonté et sujet fréquent aux sauts d'humeur. Son interprète, le grand Toshiro Mifûne, signe ici une grande performance encore une fois dans le style exubérant qui le caractérisera une bonne partie de sa carrière. De manière générale l'interprétation est de qualité. Celui ou celle qui n'aura jamais vu de films japonais risquent de mettre un temps pour s'habituer au jeu des acteurs mais une fois qu'on y accroche c'est un véritable régal. Je saluerai aussi particulièrement l'interprétation de Takashi Shimura dans son rôle de vieux samouraï errant qui se retrouvera chef de sa petite bande. Pleine de classe et de sobriété. La bande-son a également reçu un soin particulier. Outre le thème d'ouverture, les compositions d'Hayasaka sont dans le ton et contribuent à l'aspect épique du film. Même si la musique est de qualité, c'est l'utilisation du silence qui anime le film. Pas ou peu de musiques lors des batailles, lors des séquences de nuit... En aucun cas Kurosawa ne fait du remplissage sonore, laissant à maintes reprises l'image s'exprimer d'elle-même. Et ça c'est la classe. Pas de surcharge inutile, on va droit à l'essentiel pour plus de réalisme. Mais croyez-moi, Les 7 Samouraïs malgré sa simplicité apparente est plus dense qu'on ne le croit et c'est très difficile d'aborder tout ce qui caractérise ce film. Grâce à un rythme ultra maîtrisé, Kurosawa nous plonge dans une aventure remarquable et accrocheuse. Sa richesse m'a séduit. Entre action, humour et profondeur, ce film n'usurpe en rien son statut de chef d'oeuvre du Septième Art. Tellement remuant que je n'ai jamais regardé l'heure en cours de route. La fin du film teintée d'amertume, de tristesse et de cruauté dégage un profond sentiment de nostalgie et démystifie cette époque féodale du Japon. Les samouraïs n'ont rien de surhommes, arrivent et repartent, viennent et disparaissent, leur ordre semblant déjà voué à la destruction. La simplicité et la fluidité du film en font quelque chose à la fois accessible et grandiose. Ce chef d'oeuvre fait preuve d'une intelligence permanente et d'une richesse délectable. Comme quoi pas besoin de faire compliqué des fois. Il suffit d'un cinéaste talentueux derrière la caméra, d'une maîtrise de tous les instants et le tour est joué. Avec en prime une absence de manichéisme primaire et une écriture fine et subtile. Les relations entre les personnages sont particulièrement bien tissées et l'intrigue repose beaucoup sur eux c'est réellement très appréciable. Un grand film sur la fin d'une époque, la fin d'un mythe. Kurosawa m'a emporté durant ce long périple sans jamais me délaisser, en me proposant du cinéma de grande qualité et m'a lâché avec la sensation d'avoir assisté à une oeuvre d'art de 200 minutes. Ce grand classique nippon a gagné toute ma considération et est à ce jour l'un de mes films préférés tout simplement. Une véritable bouffée de générosité cinématographique avec un soin à tous les niveaux. Un film vivant et passionnant qui a remporté mon adhésion. Une véritable claque!
baroisthomas
9
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le 12 juil. 2013

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baroisthomas

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