Ce qu'il y a de bien avec Álex de la Iglesia, c'est que dès le générique d'ouverture, on sait qu'on a rentabilisé notre place de ciné. Cela m'avait déjà fait cet effet avec Balada Triste dont l'intro m'avait cloué au siège, l'exploit se réitère avec celui-ci qui nous présente des figures de sorcières via des peintures, portraits et photos dérangeantes de femmes à travers l'histoire. Je vous laisse la surprise des derniers portraits qui on causé l'un des très nombreux fous rire que ce film procure. Et c'est bien là une des différences majeure avec son film de clowns revanchards : là où ce dernier alternait avec brio tous les genres cinématographiques possibles et imaginables, tout en restant foncièrement noir et ponctuée de poésie mélancolique, Les sorcières de Zugarraurdi reprend le principe du mélange des genres avec un accent beaucoup plus prononcé sur l'humour et l'absurdité (pour peu qu'il soit possible de faire plus absurde que Balada Triste). Cette comédie horrifique nous présente donc les auteurs d'un braquage improbable qui se retrouvent coincés avec leur butin au milieu d'un sabbat de sorcières. Au visionnage de la bande-annonce joyeusement bordélique, on ne savait pas trop de quoi ça allait parler; la scène de course-poursuite m'avait même valu ce commentaire de la part d'un ami : "oh nan, pas encore un film de zombies ! C'est quoi ce truc ? morts-vivants, infectés, ou autre c'est pareil, si c'est pour nous foutre des personnages traqués par des contaminés bah non merci on a plus que ça ces derniers temps". Au visionnage du film, l'auteur de cette remarque s'est ravisé pour son plus grand plaisir face à ce nouveau coup de maître du cinéaste. Alors de quoi parle essentiellement ce film ? De braquage, de sorcières ou de monstres affamés de chair humaine ?

...

De la lutte des sexes.
Entre les braqueurs machos, un peu con-cons et les femmes mangeuses d'hommes et manipulatrices au possible, chacun en prend pour son grade. Le braquage initial est déjà sacrément barré avec ses malfaiteurs improbables mais les choses ne font que s'améliorer à mesure que l'intrigue progresse. Au lieu de nous faire une vision moderne et aseptisée de la sorcière version charmed, Álex de la Iglesia prend le parti d'une représentation du mythe à l'ancienne avec tous les attributs de ce personnage folklorique : chaudron, bave de crapaud, balais, sabbats, incantations, chants et danses sataniques, tout y passe; résultant en un formidable enchainement de scènes improbables et hilarantes au possible. Et juste quand vous croyiez que le summum était atteint, Álex de la Iglesia vous assène le coup de grâce avec une vision abominable et délirante sortie tout droit des plus anciens cultes matriarcals. J'avais déjà un sourire jusqu'aux oreilles suite aux performances hallucinantes de toute sa clique d'acteurs habituels, mais cette vision m'a juste abasourdi, juste ... "WHAT THE FUCK ? Mais comment il fait pour aller aussi loin ?" honnêtement j'en croyais pas mes yeux.

Ils sont tous dans leur délire et l'assument jusqu'au bout. Hugo Silva & Mario Casas, les deux acteurs principaux, nous livrent déjà une formidable interprétation de leurs personnages mais alors les sorcières c'est juste jouissif, on retrouve les grands malades de ses précédents films dont la sublime Carolina Bang (qui porte décidément bien son nom) toujours aussi sulfureuse et provocatrice avec son sourire à mi-chemin entre pin-up et requin, enjolivé par son regard envouteur (et pour répondre à la question qui m'a été posée : non, elle ne porte pas de lentilles pour ce film, elle a vraiment des yeux comme ça). Les autres sorcières ne sont pas en reste avec des performances toutes plus brillantes les unes que les autres. Les deux timbrés de Balada Triste, Carlos Areces et Antonio de la Torre, nous font également l'honneur d'un caméo complètement invraisemblables et le tout est encore sublimé par d'innombrables et savoureux personnages secondaires.

Il pourrait sembler inutile de le préciser mais je préfère le rappeler pour tous ceux capables d'une telle erreur : le film est à voir im-pé-ra-ti-ve-ment en VOST, l'espagnol procure aussi bien confusion cocasse que mélodie aux dialogues et trouve son paroxysme dans le chant final de la grotte pour une scène complètement surréaliste et magnifiquement filmée. Álex de la Iglesia nous prouve d'ailleurs à nouveau qu'il est possible de faire du cinéma fantastique avec un budget dérisoire pour peu qu'on sache manier la caméra. Le grain de l'image est fortement appuyé, la photographie magnifique, et les effets spéciaux ont parfois un côté old-school qui donne l'impression de voir un classique des années 80. Ouais ça fait cheap, et ouais on s'en branle totalement tellement c'est fun.

Le film s'achève sur un épilogue toujours aussi drôle avec son lot de dialogues savoureux et d'absurdité. On ressort de la salle avec les batteries rechargées à bloc par ce pur moment de détente et avec une certitude affirmée pour ceux qui en doutaient encore :

Álex de la Iglesia est un grand malade.

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le 16 janv. 2014

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Vincent Motte

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