Adapter encore "Les trois mousquetaires" de nos jours semble être une idée absurde tant cette histoire a été essorée par des dizaines de films de toutes nationalités.Ca commence dès 1903 avec le grand Georges Méliès,puis il y aura,parmi tant d'autres,la version comique de Max Linder en 23,intitulée "L'étroit mousquetaire",les classiques d'André Hunebelle et Bernard Borderie en 53 et 61,ou encore la version ironique de Richard Lester en 73.Alors,à quoi bon remettre sur le tapis ces aventures archi-connues?A cela,les amateurs de remakes rétorquent qu'on continue bien à jouer du théâtre classique,de Molière à Shakespeare en passant par Racine et Corneille.Certes,mais la comparaison ne tient guère,tout le monde ne va pas au théâtre et les oeuvres sont en réalité peu connues des jeunes générations,contrairement aux films qui passent en boucle à la télé et sont largement diffusés en vidéo.De plus,la scène est un art vivant,dont la représentation implique le spectateur différemment du cinéma.Donc,comment faire?Eh bien les auteurs de ce "Trois mousquetaires" new look ont trouvé la parade en immergeant leur film dans les codes du ciné moderne.Ca ne semblait pas gagné au vu du générique de début,qui dévoile les noms de Constantin Film,boîte de prod versée dans le bas de gamme,et de Paul Anderson,réalisateur-producteur de bis très peu coté.Pourtant,le film,sorte de série B partant dans le barnum délirant,constitue un spectacle plutôt agréable.Les puristes pourront regretter que,comme toujours dans le cinéma ricain,l'Histoire de France soit malmenée,mais après tout,si on s'inspire effectivement de faits historiques et de certains personnages bien réels,c'est le roman du génial Alexandre Dumas qui est ici adapté,et lui-même avait pris quelques libertés avec la vérité historique.Voici donc des mousquetaires qui sont des artistes martiaux bardés de gadgets,plus proches de James Bond et Jackie Chan lookés "Assassin's Creed" que des fins bretteurs du 17e Siècle.Anderson imprime un rythme soutenu et l'action rebondit constamment d'un décor à l'autre,tout en suivant presque fidèlement les péripéties du roman,dont on retrouve l'ossature et les passages obligés.L'arrivée de D'Artagnan à Paris,ses rencontres explosives avec ses futurs amis,son amour pour Constance Bonacieux,les bastons avec les gardes du Cardinal,le complot ourdi par Richelieu avec l'aide de la belle et dangereuse Milady de Winter,la faiblesse du trop jeune roi Louis XIII,l'affaire des ferrets de la Reine,les embrouilles avec les anglais représentés par le sémillant Duc de Buckingham,tout y est.Par contre,pudibonderie anglo-saxonne et culture du happy-end hollywoodien,Constance n'est pas mariée et ne meurt pas comme dans le livre.Ce qui change,c'est la manière de filmer,marquée par les normes du ciné d'aujourd'hui.Ainsi,les combats sont shootés à la hong-kongaise,avec un déchaînement de cabrioles très chorégraphiées, filmées tantôt très cut,tantôt au ralenti,comme dans le "D'Artagnan" de Peter Hyams sorti dix ans plus tôt,alors que fourmillent les pièces piégées,les cascades invraisemblables et les appareils ultra-modernes incongrus en cette période,comme ce bateau volant porté par une montgolfière,préfiguration du Zeppelin allemand,soi-disant dû à Léonard de Vinci.Le pire est que Vinci avait effectivement imaginé et dessiné des machines proches de celles vues à l'écran,même s'il n'a pu les faire fabriquer à l'époque.La figuration est nombreuse et les décors magnifiques,bien que ça sente souvent fort le numérique et le carton-pâte.Le casting est prestigieux et la plupart des acteurs tiennent brillamment leurs partitions,aux exceptions notables de Logan Lerman,celui des "Percy Jackson",qui,dépourvu de charisme et de talent,campe un bien pâle D'Artagnan,et de Milla Jovovich,l'épouse du réalisateur,qui surjoue à mort en Milady.Mais au moins elle compense par sa plastique intéressante,que son mari n'hésite pas à mettre en valeur,et par ses qualités physiques exploitées dans la veine de ce qu'elle accomplit dans les "Resident Evil".Les mousquetaires sont convaincants,qu'il s'agisse de Matthew Macfadyen,le tourmenté Athos,Ray Stevenson,le costaud Porthos,ou Luke Evans,le cynique Aramis.Christoph Waltz,décidément le meilleur méchant du cinéma mondial,est parfait dans la peau de l'hypocrite Richelieu,alors que Mads Mikkelsen est un Rochefort exceptionnel.Orlando Bloom convient tout-à-fait à Buckingham,playboy manipulateur.Il y a même des révélations:Gabriella Wilde est une comédienne limitée mais aussi un régal pour l'oeil,alors que Freddie Fox en Louis XIII immature et James Corden en Planchet gaffeur sont hilarants.