Les films de cape et d'épée, les fleurets, les sabres, la dentelle et les cavaliers... cela couvre, en définitive, une bonne partie de mon enfance cinématographique ! Alors pourquoi ne pas m'aventurer dans cette énième adaptation des trois mousquetaires ? Ma seule hésitation a finalement été due à la fatigue, mais le désir de me replonger dans cette ambiance bon enfant du film d'aventure où gentils et méchants ne se cachent pas, où l'action et l'humour sont omniprésents et les histoires d'amour convenues, a été plus fort. Alors pourquoi diable ressens-je le besoin de rédiger cette critique négative ? Probablement parce que ce film m'a révélé à quel point il ne m'était plus possible de me laisser innocemment plonger dans ces univers ultra-calibrés... mais aussi parce que ce film – s'il ne fait que reprendre des recettes éculées et véhicule une vision du monde que ce genre de cinéma n'a que très tardivement questionnée – se complet si bien dans ses défauts qu'il en devient insupportable.


L'histoire, nous la connaissons tous : D'Artagnan, jeune gascon impétueux, se rend à Paris afin de rejoindre les rangs des Mousquetaires. Il y fera la rencontre d'Aramis, Porthos et Athos avec lesquels il déjouera l'infâme complot du Cardinal de Richelieu, désireux de renverser le jeune Louis XIII. Le scénario ne déviera pas d'un iota de la trame principale des diverses adaptation des Trois Mousquetaires (malgré quelques libertés, comme la dissolution des mousquetaires pour ajouter une dose de pathos), ce qui n'est pas un mal en soi, mais prive de fait le film d'une quelconque originalité.
Or précisément, lorsqu'on ne cherche pas à faire dans l'originalité et qu'on désire simplement « mettre à jour » une œuvre, pour ce type de production, autant prévoir un casting de choc (et je ne parle pas nécessairement de célébrités), un ton novateur et plus en phase avec son époque, des décors et des effets spéciaux somptueux et innovants... Rien de tout cela dans cette adaptation au casting sinon catastrophique, au moins boiteux : Chris O'Donnell nous propose un D'Artagnan insipide aux airs de sale gosse qui – heureusement – n'aura de héro que le titre (l'affiche du film a même le bon goût de le mettre en retrait par rapport à Kiefer Sutherland), Rebecca De Mornay est peu convaincante dans son rôle de femme fatale puisqu'elle peine à susciter le moindre frisson, Tim Curry ne peut s'empêcher de cabotiner et Hugh O'Conor est si loin du royal charisme d'un Louis XIII qu'il ne parvient péniblement qu'à nous offrir la vision d'un gamin paumé et incapable. Au final, seul Michael Wincott s'en sort avec un Rochefort plus nuancé qu'il n'y paraît. De même, les effets spéciaux destinés à rendre les décors plus réalistes et à reproduire le Paris de l'époque sont simplement catastrophiques ! On doute franchement de l'origine « française » de certains bâtiments et les inserts monstrueux de la Bastille nous crient « elle n'existe pas ! » à chaque apparition.
Mais plus que des effets spéciaux et des décors approximatifs, plus que le casting raté ou le scénario faiblard : c'est le ton donné au film et certains de ses messages subliminaux qui m'ont complètement sorti de l'ambiance des films d'aventure de cette époque. Les femmes ne sont pas des personnages, mais des choses « séductibles », bien que s'agissant d'un film familial, la caméra n'hésitera pas à plonger dans le décolleté de Milady (sans doute pour insister sur le côté « femme fatale » que l'actrice ne parvient pas à partager) et le rapport aux femmes des héros est pour le moins discutable : si le cardinal est manifestement un pervers lubrique, les mousquetaires ne sont pas en reste, seulement, ce qu'ils font est présenté comme un flirt sympathique et innocent alors qu'ils se comportent comme des machos que le harcèlement ne répugne pas. Outre l'anti-féminisme manifeste du film, on pourra lui reprocher son méchant comique dont le ridicule repose entièrement sur ses manières efféminées, ou le seul non-blanc du casting – un asiatique – qui joue nécessairement un chinois laid et barbare au service de l'infâme Milady, ce qui est aussi raciste que grotesque. Enfin, les mousquetaires - à la morale irréprochable - n'hésitent pas à tuer à tour de bras des gens manifestement innocents (ou, au pire, dont la culpabilité est douteuse).

À tout cela peuvent s'ajouter quelques petites notes « what the fuck ? » avec un D'Artagnan galérant régulièrement avec deux ou trois sous-fifres lorsque ses compagnons combattent une armée (le côté épique du personnage en prend un coup), ou encore son adoubement par Louis XIII en fin de film, un bel anachronisme alors même que D'Artagnan n'est point anobli...


Bref, on préférera l'adaptation de Paul W.S. Anderson qui a bien davantage compris le sens du mot « aventure » et n'a pas hésité à donner à l'histoire ce goût de bonbon trop sucré que l'on mange avec un plaisir d'autant plus coupable que l'on sait quelle indigestion on risque.
Ezechielle
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le 5 févr. 2016

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Ezechielle

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