Si le contexte politique, empreint de l'ombre inquiétante d'un régime nazi posant ses cartes dans la guerre qui adviendra, pose une intrigue de fond passionnante autant qu'effrayante, la vie du majordome Stevens, tout autant empreinte de batailles véritables mais sourdes, n'en est pas moins le centre du film. Un homme caractérisé par une dignité dévorante, une loyauté à l'ambigu Lord Darlington ainsi qu'une quasi-imperméabilité aux affres de sa vie.
S'il ne cède pas à l'amour il n'en est pas moins ému lorsque Miss Kenton cherche à lui arracher, dans un combat presque sensuel, un livre des mains. S'il ne cède pas à l'insulte devant un imbécile "de la haute" certain de sa supériorité sur le majordome, il n'en tire pas moins une fierté innocente à se prétendre homme du monde devant un parterre d'hommes de la campagne ayant tant perdu à la guerre. S'il ne cède pas aux vertiges procurés par l'envolée d'un pigeon libéré de la grande coupole vide du château, il n'en demeure pas moins conscient de cette vie qu'il n'aura pas vécu comme tout le monde aimerait la vivre.
Que reste-t-il de vous M. Stevens ? Aucunement des ruines car vous avez la noblesse des vestiges.
Un cinéma de la retenue qui ne cède pas à la satisfaction inconséquente de nos désirs. Un cinéma qui nous donne à voir qu'avoir vécu sa vie n'est pas synonyme de désespoir. Les regrets ne sont pas une anomalie.