Cela faisait dix-huit ans que l'on attendait leur retour. Avouons-le, tous ceux qui avaient apprécié, et même adoré les aventures de Godefroy de Montmirail et de son fidèle "escuyer" Jacquouille la Fripouille (propulsés au beau milieu des années 1990 et confrontés à leur descendance respective) se sentaient un peu frustrés de par la fin du second volet de la saga Les Visiteurs. En effet, Jean-Marie Poiré clôturait son film sur l'arrestation de nos deux héros ayant atterri en pleine Révolution française. Par la même occasion, nous avions fait la connaissance, très brièvement cependant, d'un autre descendant de la Fripouille, Jacquouillet l'accusateur public. Dès lors, nous avons tous espéré une suite. Et puis il y a eu Les Visiteurs en Amérique, remake américain qui n'a pas vraiment plu en France, étant passé inaperçu aux USA et qui fut donc un échec commercial. Malgré tout, l'espoir d'une suite des aventures de Jacquouille et de Godefroy le Hardi était présent, mais plus les années passaient, et plus on ne pouvait que craindre que nos deux compères seraient bloqués à tout jamais dans les couloirs du temps.


Que nenni ! Vingt-trois années après leur première incursion sur le grand écran, nos célèbres moyenâgeux sont revenus nous donner de leurs nouvelles. Ce troisième volet était attendu depuis bien longtemps, d'où une grande impatience, mais aussi une grande inquiétude. Christian Clavier et Jean Reno allaient-ils nous faire pleurer de rire comme avant, nous surprendre ? Ou, au contraire, cette suite allait-elle être ratée, non-digne des épisodes précédents ? Beaucoup avant la sortie du film ont d'ailleurs craint un effet Bronzés 3 qui est un film, il est vrai, imparfait mais qui reste à mes yeux sympathique, ayant cartonné au cinéma alors qu'une grande majorité de personnes se plaît à le dénigrer (mais ceci est un autre débat). En ce qui concerne Les Visiteurs – La Révolution, l'inquiétude était de savoir si une suite dix-huit ans après allait fonctionner, allait être originale et à la hauteur de la franchise.


C'est donc là où nous les avions laissés dans Les Visiteurs II – Les Couloirs du Temps que nous retrouvons Jacquouille et Godefroy, empêtrés dans cette période des plus sensibles qu'est celle de la Terreur, époque de profonds bouleversements politiques et sociaux où l'on coupe les têtes en grande quantité. Le comte de Montmirail, après s'être échappé de la prison d'Issoudun (suivi par son inséparable Jacquouille et le collant marquis de Portofino incarné par Ary Abittan), se retrouve confronté à sa descendance, aristocrates arrogants incarnés notamment par Karin Viard, Alex Lutz, Stéphanie Crayencour ou encore Franck Dubosc, alors que ces derniers tentent d'échapper à cette tourmente. Leur vie ne tient qu'à un fil, d'autant plus que leur château ainsi que tous leurs biens sont sur le point d'être saisis par le terrible Jacquouillet, évidemment interprété par Christian Clavier. Nos héros font escale à Paris et rencontrent Prune, une ancêtre de Ginette, à l'évidence incarnée par Marie-Anne Chazel, et son compagnon Philibert joué par Pascal Nzonzi. Parallèlement, Godefroy tente de se mettre en quête d'un descendant de l'enchanteur Esaebius qui leur permettrait de rentrer à leur époque, tandis qu'ils subissent des effets secondaires inquiétants à cause des couloirs du temps non refermés.


Je dois avouer que j'étais vraiment très impatient de découvrir le film. Dès les premières secondes du générique, j'ai eu des frissons rien qu'en entendant les premières notes de la musique qui ouvrait déjà le deuxième volet des Visiteurs. Le film, dans son entièreté, se veut être une nouvelle aventure, un film à part entière, et non une suite resucée, ce qui peut déstabiliser. Il n'est pas à prendre comme une pure et dure comédie mais comme un film également historique où se croisent bons et mauvais aristocrates, ainsi que bons et mauvais révolutionnaires. Christian Clavier est au top, toujours égal à lui-même, extraordinaire, très juste dans chaque interprétation et particulièrement bon dans l'habit de Jacquouillet. Jean Reno est aussi de nouveau présent, peut-être un tout petit peu en retrait lors d'un passage du film, non pas dans l'interprétation mais tout simplement au point de vue scénaristique. La nouvelle génération d'acteurs accueillie à bras ouverts dans cette nouvelle aventure est plus que légitime, notamment Franck Dubosc, aux antipodes de son personnage de Patrick Chirac dans Camping, ainsi qu'Alex Lutz et même Ary Abittan. Pourtant, on a le sentiment que la descendance de Godefroy est un peu mise de côté après son arrivée à Paris. Sylvie Testud est, quant à elle, brillante, et très en phase avec Clavier peu importe le rôle qu'il incarne, tandis que Marie-Anne Chazel, sous les traits de Prune, est impeccable dans le rôle de cette concierge ayant un petit côté Thénardier. Elle est cependant un petit peu sous exploitée à mon goût. Tout le reste de la distribution s'en sort à merveille, y compris Nicolas Vaude, glaçant dans le rôle de Robespierre.


Les références aux précédents films sont utilisées à bon escient. Preuve en est le fameux « OKAY ! » de la Fripouille qui nous avait bien manqué et que l'on ne retrouve qu'à la fin. Bien sûr, les mauvaises langues diront que le premier gag du film est un copier-coller du deuxième volet de la saga où des objets contemporains viennent susciter l'étonnement dans une époque antérieure. Personnellement, je ne le conçois pas de la sorte, même si les deux situations sont équivalentes. Toujours en ce qui concerne le début de ce film, l'introduction se révèle être originale (quelle joie, au passage, de revoir nos deux moyenâgeux dans leur milieu naturel, si j'ose dire), ainsi que le fait d'intégrer à l'histoire le vieillissement de nos deux acteurs principaux, même si pour être franc, j'ai oublié en visionnant le film qu'ils avaient pris vingt ans. Quant à l'humour, il est bien sûr au rendez-vous, notamment grâce à l'arrivée de nouvelles répliques, le plus souvent portées par Jacquouille. Toutefois, le côté comédie du film disparaît un temps, soit volontairement, soit à cause de gags qui tombent à plat. De plus, il y a une ou deux longueurs à noter, notamment lors du dîner avec Robespierre ou lors de l'entretien entre Marie-Adélaïde de Montmirail incarnée par Karin Viard et un duc hollandais.


Selon mon avis personnel, le film a dû souffrir du montage, non pas par la manière dont il est monté puisque l'on retrouve la même esthétique des premiers volets (c'est-à-dire celle de Jean-Marie Poiré depuis L'Opération Corned Beef en 1991) mais parce qu'il a été sacrément raccourci. Si l'on retient les propos du monteur Philippe Bourgueil tirés d'une récente interview, le film durait au départ 2 heures 30. Sacrifier 40 minutes a donc été un choix difficile à faire, peut-être pour nous éviter d'autres longueurs. Mais on peut aussi émettre l'hypothèse que ces minutes supprimées jouent en la défaveur du film, en ce sens que l'enchaînement des scènes peut sembler moins fluide ou trop rapide.


On pouvait s'attendre à ce que le film n'atteigne pas le niveau du premier, mais on ne peut pas dire qu'il soit mauvais. Je défendrai cet idée jusqu'au bout parce que j'ai pris un énorme plaisir à retrouver ces personnages, à découvrir de nouvelles aventures, de nouvelles répliques, et surtout une fin qui m'a tenu en haleine, qui, certes, me frustre encore plus que celle des Visiteurs II, mais qui me laisse espérer un quatrième épisode. Et je pense que la fin du long-métrage est suffisamment une bonne idée pour conclure en beauté la saga et que le final soit explosif. Pourtant, je doute qu'il y ait une suite, entre les journalistes qui descendent Les Visiteurs – La Révolution parce qu'ils sont frustrés de ne pas avoir vu le film avant sa sortie (et qui critiquent en exagérant énormément), et ceux qui sont d'une mauvaise foi totale, faisant ainsi une mauvaise publicité.


Je ressens beaucoup de peine quand je vois toute cette rage autour de ce film. Pas quand les critiques sont mauvaises, mais quand elle sont mauvaises en grossissant le trait et en réduisant le film à ce qu'il n'est pas. Non, ce film n'est pas une merde. Ni parfait ni raté, il est en demi-teinte mais a le mérite d'allier les fondamentaux et la nouveauté. Je pense et répète qu'à mon avis, le propos de ce film n'est pas que de nous faire rire du début à la fin mais de nous proposer également un film historique d'où, peut-être, la gêne de certains. Pour moi, ce long-métrage a, en effet, une réelle valeur historique dans la mesure où Christian Clavier est un homme féru d'histoire et qu'il a tenté, avec Jean-Marie Poiré, de nous présenter de manière objective l'horreur de cette période de la Révolution, à savoir la Terreur (d'où les bons et mauvais aristocrates ainsi que les bons et mauvais révolutionnaires). Peut-être qu'il y a des inexactitudes, mais au delà de nous divertir, le film s'interroge sur les fondements de notre République, et également sur le peuple et son manque d'instruction. En effet, lors de cette période où des milliers de personnes sont mortes guillotinées, mais aussi noyées ou tout simplement mortes de maltraitance et de maladie dans les prisons, le peuple qui pensait obtenir une vie meilleure tombe de haut en se retrouvant encore plus opprimé que jamais, que ce soit ou non à son insu. Et l'injustice est d'autant plus grande qu'il ne peut absolument rien dire puisqu'il tient à sa tête.


Tout le monde a le droit d'aimer le film ou non, à condition bien sûr qu'il y ait les raisons. Critiquer pour critiquer, ce n'est pas loyal. Le film n'est pas exempt de défauts (d'ailleurs, y a-t-il un seul film au monde exempt de défauts ?) et j'ai essayé de m'employer à l'exercice de la critique en délivrant mon ressenti. J'aime ce film qui ne m'a pas déçu au sens le plus strict, même si l'on ne rit pas de la première à la dernière minute. Non, on ne pleure pas de rire, mais il y a une originalité indéniable, et le renversement des rapports entre Jacquouille et Godefroy est très bien traité, ce dernier étant constamment en proie au doute. Les Visiteurs – La Révolution m'a proposé quelque chose de différent, et malgré tout, je ne regrette rien et suis prêt à le revoir.


Vivement un quatrième volet, mais si possible avant que ne s'écoulent dix-huit nouvelles années !

Fabien-Greault
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le 11 avr. 2016

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Fabien Gréault

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