Déception programmée

Je ne vais pas présenter les Visiteurs, comédie de 1993 culte. Après un deuxième opus complètement taré et riche en punchlines Jacqouillesque, et un passage en Amérique que j’ai même pas vu, la suite arrive 23 ans après, alors qu’on ne l’attendait plus.
L’histoire reprend à la fin du 2, là où ils ont encore couillé avec la potion et se retrouvent en 1793, pendant la Terreur. Et c’est reparti pour un tour, car le scénario est plutôt vide. Les Montmirailles sont pourchassés et se réfugient dans Paris, et on va suivre toutes les mésaventures d’une pléthore de nouveaux personnages dont on se fout complètement.
Déjà, niveau persos, on va commencer par Godefroy et Jacqouille. Clavier et Reno ont vieilli, et leur rôle avec eux. Le scénario parvient à justifier leur vieillissement avec raison, mais l’âge des acteurs n’est pas le problème. Les premières scènes les mettent même en valeur, grandissant leur retour avec panache, les gardant dans l’ombre, et accompagnant leur entrée avec la musique qui tue des Visiteurs.
Non, le problème c’est leur rôle. Godefroy fait avancer l’histoire, mais n’est présent que dans très peu de gags. Il garde le contrôle de la situation comme dans les premiers, mais n’a plus l’énergie et la présence d’avant – et par présence, j’entends qu’il n’a pas beaucoup de scènes à lui. Et Jacqouille, ben c’est Jacqouille, il gueule tout le temps, et il pue. Mais aucune de ses répliques de parvient à être mémorable. Alors que dans les 2 premiers, c’est un festival de répliques qui s’offre à nous. Là, rien. Et pareil pour Jacqouillet, son ptit fillo, hystérique mais oubliable.
Et après, on a les personnages secondaires. Et autant tous les acteurs sont des bons (Franck Dubosc dont j’adore le flegme et la ringardise assumée, Karine Viard, Marie-Anne Chazèle, qui n’a rien à voir avec Ginette, Ary Abittan, Alex Lutz, qui ressemble trop à Klaus Kinski, et Sylvie Testud, qui est sans doute la meilleure actrice du film. Et Pascal N’zonzi, que tout le monde oublie.
Et…ben ils sont juste là pour faire des blagues. Seuls Testud et Dubosc servent à faire avancer l’histoire, mais sinon ils ont tous leurs caractère et leurs défauts, et ils s’engueulent. Pas très inspiré tout ça. Trop peu de blagues font mouche, surtout qu’en plus une bonne partie fait référence à l’odeur de Jacqouille.
Pas mal de blagues font aussi référence au contexte historique. Soit des blagues que l’on ne comprend que si on connait la référence historique, soit des blagues sur le décalage entre les deux époques. Sauf que bon, 1993 et 2016, la différence est pas énorme et les mœurs sont quand même similaires, le décalage marche toujours. Mais entre 2016 et 1793, c’est mort. Y’a un décalage, mais c’est grave moins flagrant.
Après c’est sûr c’est joli. Les costumes sont très travaillés, ça fait époque. L’ambiance de la révolution est présente. Et pourtant… une bonne partie du film se passe dans les intérieurs exigus qui manquent de cachet. Et plus de ça, ils sont partis tourner en République Tchèque au lieu d’aller à Paris, tout ça pour payer moins d’impôts, et avoir des techos moins chers. Et ça c’est dégueulasse. Heureusement que Luc Besson s’est battu et n’a pas fui, lui.
Techniquement, c’est pas nul (quoi que, le plan du gosse qui arrive pour prévenir de l’arrivée de l’accusateur à Montmiraille et atroce), mais on n’a plus la réal de Poiré de l’époque. Ce montage hyper cut, ces grands angles, tout ça c’est parti, envolé, pouf. C’est moins dynamique, malgré le fait que les dialogues fusent.
Et y’a cette fin, qui part dans un truc complètement fantastique et éloigné du côté comique. Et c’est l’un des meilleurs passages du film. En fait c’est con, mais les passages les plus réussis sont ceux où y’a pas toute la clique de gignolos qui font des blagues. Tous les passages sérieux sont réussis. Le début, la fin, le complot de Testud, la place de Godefroy et Jacqouille dans le contexte historique… Tout ça est très intéressant, mais sert un mauvais propos. Tu prends ce scénario et tu enlèves la comédie, tu en fais un truc fantastique sur le voyage dans le temps, et ça te fait un truc grave mieux. Les idées qui concernent les couloirs du temps sont bien meilleures que les vannes. Ce qui arrive à Godefroy et Jacqouille est triste en fait. Ils sont bloqués. Et avec ce concept, y’a moyen de faire un truc fantastique super cool ; mais ils ont préféré faire une comédie pataude.
Au final on en ressort attristés, parce que ça ne marche pas, mais aussi parce que nos héros ont un destin assez pourri. C’aurait été un film sérieux que y’aurai eu moyen de faire pleurer. Je le redis mais toutes les séquences fantastiques sont réussies, et faire un film uniquement là-dessus aurait été une bien meilleure idée. Tant pis, allez vous consoler devant Retour vers le Futur.