-Critique parue le 11 sepembre.2018-


Le printemps, la saison des amoureux, est arrivé en cette année 1485. Les fiançailles au château entre la ravissante Anne, la fille du baron Hughes, propriétaire des lieux, et le jeune et séduisant seigneur Renaud s'annoncent. Lorsqu'un couple de ménestrels va faire son apparition au château ce moment festif et l'engagement des deux jeunes gens pour une vie d'amour et de fidélité risque bien d'être remis en cause.
Ces deux ménestrels, Dominique et Gilles, sont des êtres malfaisants qui viennent pour semer le malheur sur terre, ce sont des messagers de Satan et, bien entendu, leur but est de détruire cette future union en utilisant les moyens les plus fourbes ....


Tout commence fort bien car les deux amoureux brûlent d'un amour certainement sincère l'un pour l'autre. La gaieté règne au cours d'un banquet mémorable dans la grande salle dépouillée du château. Le spectacle est garanti: montreur d'ours, cracheur de feu, bref toutes les réjouissances que peuvent offrir à cette époque un événement d'importance.
Toutefois dans l'ombre se cachent les deux séducteurs qui commencent à tenter de remplir leur sale besogne. Les regards, le charme s'opèrent entre Dominique et Renaud et entre Anne et Gilles Est venu alors le temps de bouleverser l'ordre établi, le temps de briser les cœurs, d'arrêter les rires et la fête. Il est temps également pour le Diable soutenu par ses sbires d'étendre son pouvoir sur terre. Seul le**Diable* doit être aimé, les contrevenants devront subir les sanctions les plus graves.
A l'occasion du magnifique bal qui bat son plein, les plus beaux atours et la grâce des participants prédominent, les musiciens contribuant à rendre ce moment féérique.
Mais tout ne se déroule pas tout à fait normalement. Une partie de la mission de Satan risque d'échouer. Pour lui, comme lors d'une bataille compromise, il est temps d'intervenir. Gilles, le ménestrel, serait-il entrain de faillir dans sa mission en succombant aux attraits de la belle Anne ? Un regard affectueux de celui-ci le pressent et intrigue le Diable. Celui-ci apparaît alors et, dans sa toute puissance, d'un claquement de doigt, arrête tout net les participants de cette fête. Les fiançailles sont rompues et Satan, bien décidé à posséder Anne, maintenant séduite par Gilles poursuit son œuvre funeste avec son immense rire "satanique". Après ce symbole délivré par le Diable, que deviendra l'amour et quid de l'humanité sur terre ?


Cette très belle réalisation de Marcel Carné est sortie en 1942 et peut-être que le sujet de ce film dramatique, empli de sous-entendus contre le régime de l'époque, fut pris à la légère par la censure en vigueur. Et pourtant le cinéaste se montre très sévère contre la dictature avec son lot de cruauté, de malheur et de racisme. C'est donc très habilement que Marcel Carné nous offre ce trésor du cinéma qui traverse le temps sans une ride, le fond de l'intrigue étant malheureusement toujours d'actualité. Les principaux personnages représentent subtilement un symbole néfaste de cette triste époque que la France a traversée.
De plus le cinéaste s'est entouré de deux scénaristes de génie, Jacques Prévert et Pierre Laroche qui nous offrent des dialogues dans lesquels la grâce se mêle à la dureté et aux allusions finement ciselées sur nos ennemis intérieurs et extérieurs de l'époque. Ils sont en adéquation parfaite avec la vision de la société telle que Marcel Carné l'a décrite ici.
Les acteurs quant à eux sont également à l'unisson de ce drame fantastique. Arletty interprétant Dominique, la fidèle complice du Diable, est superbe par sa beauté qui se mêle à la froideur de ses sentiments, prête à semer le désastre. Alain Cuny, son complice est touchant dans le rôle de Gilles à qui rien ne sera pardonné par le Diable, ses sentiments devenus plus humains n'étant pas du goût de Satan, un Jules Berry impressionnant de prestance et débordant de malice et de cruauté, comme Hitler. Dans cette galerie de personnages on retrouve également le grand Fernand Ledoux, le baron Hughes, quelque peu complice de Satan à tel point que l'on n'a aucun mal à retrouver le portrait du maréchal Pétain.
Et puis il y a ce couple de fiancé qui va se désunir comme beaucoup de leurs compatriotes sous l'influence de ce Diable maudit. Les très bons Marcel Herrand, Bertrand, et Marie Déa, Anne, dévieront chacun sur un chemin différent et leurs fiançailles ne seront plus que souvenir.


Voilà doc une œuvre que je conseille à tous ceux qui aiment ce cinéma lointain qui ne prend pas de ride et qui nous incite aussi à analyser la société composée de monstres, de collabos et de lâches mais aussi de résistants à qui nous devons beaucoup grâce à leur courage et souvent à leurs sacrifices.


Ma note:8/10


Box-Office France: non communiqué
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le 11 sept. 2018

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