Triste performance pour le 007e volet !
A croire que le virus de Blofeld dans le précédent opus a fonctionné, James Bond est en pénurie de diamants fertiles et s'attaque au clinquant Las Vegas pour se refaire. Etait-ce bien nécessaire?
Oui, car On ne vit que deux fois a déjà été adapté. Non, car il y avait Rien que pour vos yeux, comme le fera remarquer 10 ans plus tard un John Glen peu scrupuleux de faire disparaître au profit d'un retcon dix ans de la saga James Bond sous ombre que les cinq derniers volets seraient très mauvais.
Exit donc le brave mais naïf George Lazenby et en route pour l'Amérique ! Pour le meilleur comme pour le pire.


Le Cauchemar américain


L'idée est de retrouver les codes bondiens que George Lazenby donnait l'impression de rejeter (ce qu'il n'a pas fait, ce que Daniel Craig a fait). On rappelle donc Guy Hamilton, le réalisateur de Goldfinger, le plus grand succès jusqu'alors, pour signer une suite à ce dernier, une aventure où le méchant n'est autre que le frère d'Auric Goldfinger, plus porté sur les diamants. Le tout à Las Vegas plutôt qu'en Floride.
Hélas, point de Sean Connery pour reprendre le rôle !
Le couperet tombe: 007 va s'américaniser au maximum, à commencer par son interprète. Deux choix s'offrent alors. D'une part, Adam West, l'interprète de Batman dans la série de 1966. D'autre part, John Gavin, l'interprète du pâle dernier volet des aventures officielles d'Oss117 en 1968.
Pour palier cet élément déceptif, on décide de compléter le casting avec du beau monde: Faye Dunaway (Supergirl), Raquel Welch (L'Animal) ou Jane Fonda (Barbarella)pour le rôle de Tiffany Case, une receleuse de diamants pour le compte de Goldfinger, Bruce Cabot (héros du King Kong de 1930).
James Bond travaille dès lors pour la Maison Blanche, une sorte de James West des temps modernes et quitte la Reine (l'arène) britannique.
Mais un double-miracle va se produire qui va tout changer ...du moins changer sensiblement le film et l'avenir Yipppe Ki Yay de 007.
D'abord, Sean Connery rempile, un cachet qui entra dans le Guiness des records au poing. James Bond redevient britannique et ajoute à son casting américain quelques grands noms britanniques tels que Charles Gray (Les Vierges de Satan), Laurence Naismith (Amicalement vôtre) et le très autrichien mais acteur britannique Joseph Fürst (connu pour le rôle du Professeur Zaroff, un scientifique fou de la série Docteur who). Bruce Cabot sera conservé, le reste du casting principalement américain et moins envolé que prévu: c'est Jill St-John alias Molly, la petite amie de L'Homme mystère dans Batman qui obtiendra le rôle de Mrs Case. On ajoutera également l'alors méconnu Bruce Glover, père de Crispin Glover.
Ensuite, un cauchemar de Broccoli au sujet de son influant ami, le psychotique et retiré du monde Howard Hugues - si bien interprété par Leonardo Di Caprio dans The Aviator - lui donne l'idée du personnage de Willard White, un homme mystérieux, reclus dans son immeuble, remplacé un beau jour ...non plus par Goldfinger mais par Blofeld, le chef du SPECTRE himself !
Reparti sur de bien meilleures bases, le film peut enfin commencer.


Le Royaume des troubadours


Pour Willard White comme pour un tueur du SPECTRE, la production fait appel non à des acteurs mais à des chanteurs!
Jimmy Dean, qui a tout de même déjà joué dans la série Daniel Boone est très inquiet: toute sa carrière dépend de l'avis d'Howard Hugues sur la façon dont il interprète son double fictif.
Putter Smith, bassiste de jazz proche de Ray Charles ou de Duke Ellington, fait ses premiers pas dans la comédie aux côtés de Bruce Glover.


Mais heureusement, la musique et le générique conservent le cachet bondien avec les participations de John Barry (compositeur des six précédents opus) et Shirley Bassey (interprète de Goldfinger qui a failli chanter le générique d'Opération tonnerre, de Quantum of solace et qui chantera également celui de Moonraker).


Le Royaume du double


Le fait de revenir de loin ne doit pas conférer au film une immunité particulière. Il a bien des défauts que ne rattrapent guère ses qualités, de bonnes idées qui s'étiolent dans leur réalisation à l'écran.
Las Vegas décor du nouveau volet des aventures de James Bond est avant tout le royaume du double, de la dualité. Ce thème, intéressant, trouve son écho à divers niveaux et exploité de façon très variable.


Le plus touché est évidemment Ernst Stavro Blofeld.
C'est lui qui remplace Willard White.
Mais c'est aussi lui qui a changé d'apparence pour échapper à la vindicte - hélas peu sensible ! - de James Bond. C'est ainsi que Charles Gray interprète un Blofeld chevelu, grisonnant, certes plus à l'aise avec son chat que ses prédécesseurs et successeurs mais moins crédible, parfois même bouffon, allant jusqu'à se travestir en vieille duchesse. On retiendra par contre son regard glacial et haineux, terrifiant à souhait. On déplorera son choix pour ce rôle quand il fut quatre ans auparavant un allié de James Bond dans On ne vit que deux fois.
Le thème du double autour de Blofeld ne concerne pas uniquement ces nombreux points - double identité, chirurgie esthétique, retour de l'acteur qui l'interprète. Il s'agit aussi d'une trouvaille à la fois géniale et complètement absurde, à la fois très moderne et complètement kitch. Blofeld, quelques 32 ans avant l'agent Smith et ce, sans être un agent de la Matrice, est entouré de clones de lui-même dès le début du film. Cela permet d'expliquer sa survie post-générique: Bond n'a tué qu'un clone. Cela permet aussi de suggérer la peur qui l'habite de la vengeance de Bond pour l'assassinat de sa femme. Mais cela fait vraiment too much, d'autant que le clonage se fait par le biais d'un système incompréhensible en dehors d'une référence au mythe du Golem (habile référence au premier acteur envisagé pour le rôle de Blofeld, Jan Werich, ou idée purement farfelue?). Ce qui ajoute au grotesque de ce choix de clones de Blofeld, pourtant pas inintéressant, c'est le désintérêt quasi total que semble porter Bond à la mort de sa femme.


En effet, l'autre double, c'est 007.
Le retour de "l'autre" dont parle le Bond de George Lazenby, qui n'a pas vraiment suivi les mésaventures de son remplaçant ou qui a choisi de jouer le James Bond digne et fort que Hunt exigeait en vain de Lazenby, un Bond qui intériorise sa colère pour mieux la faire éclater au moment opportun. Toujours est-il qu'il semblera bien frivole à courir les filles et à donner dans le badinage tandis qu'il porte un deuil même purement intérieur.
Cet "autre" est bel et bien "autre". C'est un Sean Connery aigri, désabusé, revenu pour la forme et pour la bonne cause, obtenir un cachet substantiel pour pour subvenir à l'éducation des jeunes désoeuvrés. Ce jeu plus grimaçant apporte autant d'eau au moulin du deuil intérieur de Bond qu'il ne renforce l'impression d'indifférence à la mort dernière de sa femme. C'est donc problématique, à double tranchant.
Cet "autre", c'est un Sean Connery qui semble nous parler quand Leiter (Norman Burton, convenable sans plus dans le rôle) lui demande où sont les diamants. Sachant qu'ils sont cachés dans le cadavre de Peter Franks, dont Bond usurpe l'identité, Bond lui répond: "C'est alimentaire, Docteur Leiter". Son ultime apparition sont à l'image de cette réplique et des diamants dans un cadavre.
Cet "autre", c'est surtout un Sean Connery vieillissant sur certaines prises (notamment celle à contre-jour en fin de film). Un mythe s'effondre malgré tous les efforts à noter pour le conserver intact. C'est le James Bond de trop d'un acteur qui s'était honorablement retiré en 1967. Un James Bond qui pâtit du succès ressenti mais pas encore attesté d'Au Service secret de Sa Majesté.
Pour ce qui est du double, Bond se fait donc passer pour un trafiquant de diamant nommé Peter Franks qu'il doit suivre et attaquer, ce qui donne lieu à deux excellentes trouvailles du film: **Sean Conner**y surprend dans une imitation soliloque du couple s'embrassant puis réitère son époustouflant combat de Bons Baisers de Russie, passant du train à l'ascenseur plus exigu encore.


La dualité, le chiffre 2, apparaît également au travers du double duo d'antagonistes au service du SPECTRE. Probablement tous deux tenants de l'homosexualité, il s'agit de deux hommes d'une part et de deux femmes d'autre part.
Les premiers sont une sorte de Dupont&Dupond version homosexuelle, le glabre et parfumé, Wint, et son chevelu, moustachu et nounours compère, Kidd. Toujours accompagné de leur thème musical personnel, les deux filous semblent s'adonner à l'enfantillage quand ils tuent: comédie du scorpion et de la dent de sagesse, explosion d'un avion pour montrer que Dieu ne veut pas que l'homme vole, pseudo-crémation, critiques assassines ou encore repas explosif ! On peut supposer une orthographe différent de leur nom, Kid & Wind, qui respire l'enfance, la liberté et la filouterie qui les caractérise si bien. Néanmoins, les deux compères donnent parfois dans le sur-jeu non pas de leur homosexualité mais des coups et des combats peu nombreux à leur crédit.
Bien plus problématique, le couple Bambi et Perle Noire - tentative désespérée de la VF pour sauver les chef-d'oeuvres de notre enfance - en version originale Bambi et Panpan, donne dans le spectacle acrobatique, dans le cabotinage et le sur-jeu grimaçant. Lola Larson - dont c'est le seul rôle au cinéma - et Trina Parks - plus investie, mais n'est-ce pas cela le hic? - offre un passage d'anthologie pour Patrick Sébastien. James Bond fait une incursion involontaire dans Le Plus Grand Cabaret du monde. Bien dommage, ces personnages auraient pu être écrits voire jouer autrement...


Enfin, c'est la première incursion de Marc Lawrence (que l'on retrouvera dans L'Homme au pistolet d'or) en gangster au service du SPECTRE qui, ne mourant pas, laisse entendre qu'il pourrait être le même personnage dans les deux films. Avant et après la chute monumentale du SPECTRE.
C'est aussi la deuxième participation de Shane Rimmer, vu dans un rôle anecdotique d' On ne vit que deux fois et qui reviendra dans un rôle d'importance dans L'Espion qui m'aimait.


Le Royaume de l'exagération


On est en Amérique, guys!
Tout y est plus fort, tout y est plus lumineux, tout y est plus grand !
Et, comme James Bond donne à son ordinaire déjà dans le gigantisme, le film donne dans le cyclopéen, c'est à dire l'hyperbole !
Sans revenir sur Bambi et Panpan, sur les nombreux clones et sur le travestissement de Blofeld, on peut pointer la réutilisation du laser de Goldfinger pour en faire un satellite laser capable de décimer des bases militaires et des villes entières. Un gigantisme qui n'est pas à la hauteur des moyens de production qui ne l'accompagnent que d'effets spéciaux peu modernes pour l'époque, l'apanage habituel de James Bond.
Exagération du cadre américain. Si Las Vegas et les plaines du Nevada apportent quelque intérêt, le cirque et sa flopée de pistolets à eau et fausse expérience scientifique et faux gorille sont de trop. Le mauvais goût made in America qui donne à ce nouveau volet des allures de hamburger. Il eût sans doute privilégier Amsterdam, royaume des tulipes et des diamants éponymes.
Exagération des cascades avec celle de l'escalade à coups de pistolet-gadget du bâtiment White et la transformation d'un passage fou en Mustang Mach 1 dans une rue étroite en un parcours sur deux roues peut-être un peu long pour être crédible. Du moins, trafiqué. A noter, Mustang remplace ici Aston Martin.
Exagération enfin du sponsoring avec le retour de Play Boy depuis le dernier volet - certes plus discret, sur la carte de Bond - mais d'un goût aussi douteux que les Heineken actuelles.


Le Royaume de la misogynie


Réfractaire au discours souvent erroné féministe à l'encontre de la saga James Bond, fait est d'avouer que ce volet donne dans la plus parfaite misogynie. Ce qui pourrait apparaître parfois comme le filtre de la vision de 007 se vérifie ici.
Les James Girls?
Une vilaine complice de Blofeld, Marie (incarnée par Denise Perrier, Miss Monde française de 1953, date spéciale dans l'univers bondien) qui cherche à séduire Bond et qui finit étranglée par son propre soutien-gorge. Passe éventuellement. C'est une méchante.
Bambi et Panpan sont aussi méchantes et quelque peu dérangées. En plus d'une suspicion d'homosexualité qui est un vice dans l'univers flemingien.
Plenty O'Toole, au nom si évocateur d'érotisme, jouée par Lana Wood (moins célèbre que sa soeur Nathalie, réputée pour ses participations à différentes grandes séries d'espionnage telles que Les Mystères de l'Ouest et Mission: impossible), est une peste dépourvue de sentiments réels, qui cherche des relations pour avoir des passe-droits et des hommes pour jouer avec leur argent avant de les laisser tomber une fois à sec. Une femme qui voit tout sous l'angle de l'argent, la triste caricature du capitalisme outrancier. Plus humaine et sentimentale qu'il n'y paraît, ses bonnes scènes ont toutes été coupées au montage. Dommage...
La plus importante, c'est bien Tiffany Case, campée par Jill St-John, qui devient la première James Bond Girl américaine. Si l'on peut regretter l'absence des célébrités prévues initialement dans ce rôle, on en est assez heureux au final. Car Tiffany, en plus de porter un nom signifiant le clinquant qui souligne le côté pie du personnage, est une sorte de Jack Sparrow fémimin avant la lettre. Versatile, elle change de camp sans arrêt, ne suivant que celui de son intérêt. Si cela rend le personnage moins manichéen que d'autres et par là, plus intéressant, cela donne surtout une image très noire de la femme.
Seule Miss Moneypenny (Loïs Maxwell, toujours impeccable) sort du lot, quoiqu'un chouya cupide, demandant à Bond un diamant et acceptant tout sourire la promesse d'une tulipe.


Le Royaume des illusions (bonnes comme mauvaises)


Las Vegas, c'est aussi le pays des rêves, des illusions.
Et des illusions, Les Diamants sont éternels en est truffé !


D'illusions perdues:
Sean Connery décevant par son manque d'investissement l'est aussi par sa destruction - heureusement coupée au montage - d'un personnage fin aristocrate et connaisseur. Son ignorance peu gênante est restée dans la scène initiale post-générique mais les scènes coupées recèle un Bond ignorant des bienséances de grand restaurant qui exagère son manque de savoir-vivre, prétextant être roturier.
Joseph Fürst, pourtant si loufoque en savant fou cherchant à faire revenir l'Atlantide à la surface de la terre dans Docteur Who, est ici fade et presque stupide en savant sage et pacifique assez naïf pour croire jusqu'au bout que Blofeld, le chef du SPECTRE, est un philanthrope prêt à l'aider dans sa cause du désarmement global.


D'illusions devenues de belles réalités:
L'une des plus belles, bien que bizarrement mise en scène, c'est la boîte vocale permettant d'imiter la voix des gens. Blofeld a la sienne dont il ne comprend pas le fonctionnement (grande première de la sempiternelle réplique de méchant "La science n'a jamais été mon fort"), Q fabrique la sienne, la qualifiant de jeu d'enfant. Toujours est-il que nul ne sait vraiment comment elle fonctionne. On s'éloigne donc du réel gadget pour toucher à l'artefact merveilleux en apparence scientifique.
L'autre gadget, présent au début du film, est un énième emprunt à Fantômas d'Hunebelle: il s'agit de gants imitant à la perfection la peau humaine et disposant des empreintes de la personne pour laquelle on souhaite se faire passer.
Le véritable beau gadget est la bague à créer des combinaisons parfaites aux machines à sous. Comme les meilleurs gadgets, il s'explique scientifiquement et répond à un désir ancré en nous. Hélas, il a un usage purement ludique, anecdotique dans le film, associé à un Q qui commence à se lâcher un peu, pour notre plus grand plaisir.
Autre illusion, l'incroyable odyssée du trafic des diamants, entre cynisme et fantaisie pure, qui sauve une bonne partie du film et qui sensibilise en 1971 au problème brûlant des diamants de conflit, quelque 35 ans avant le film constat Blood Diamonds, lui-même tardif après la reprise de cet épineux sujet dans Meurs un autre jour. On notera d'ailleurs la cachette des diamants chez Tiffany Case qui a clairement inspiré le Complot de famille d'Hitchcock cinq ans plus tard.
Dernière illusion, cette fois dénoncée, prenant part à une polémique récente toujours d'actualité, Les Diamants sont éternels revient sur 1969 et le premier de l'Homme sur la Lune, présenté comme un film tourné par les américain pour déstabiliser les russes. Intéressant d'un point de vue médiatique et géopolitique, cette dernière et savoureuse allusion peut laisser un amer arrière-goût pour ce qui est de l'histoire bondienne. Car les événements de ce film sont censés se dérouler en 1969 et se soustraire à ceux du dernier opus. Chercherait-on désespérément à effacer l'histoire de Tracy Draco?


Le Royaume des des bonnes répliques et des voix gelées


Cependant, le film regorge de répliques bien senties et de curiosités dans les doublages français.


Pour mémoire, on trouve d'aussi bonnes répliques que: - (Bond survivant par chance grâce au râleur Shady Tree) Oh, non! Ne me dîtes pas que vous êtes St Pierre? / (Bond arrivant à la plateforme pétrolière du SPECTRE) Bonjour! (...) Nous nettoyons le monde et pensons que ce serait bien de commencer par ici ! / - Vous êtes sûr de vouloir faire ce que vous faîtes, James? Demandez-le moi dans dix minutes! / - (au gangster qui a lancé Plenty par-dessus le balcon en la faisant tomber dans une piscine) Bien visé! / J'ignorais qu'il y avait une piscine!.


Bonnes surprises dans le doublage !
Outre de petits rôles échus à Jacques Balutin (Casino Royale, 1967) et Guy Piérauld (l'inoubliable voix de Bugs Bunny et Max la menace), on retrouve celle de Francis Lax que l'on connait en général pour le futur Han Solo de la Trilogie Star Wars.
Mais on entend également Burt Saxby, le traître joué par Bruce Cabot avec la voix de Claude Bertrand, réputé pour avoir doublé Bud Spencer, O'Maley et ...un certain Roger Moore ! Soit le James Bond à venir. D'où l'extrême plaisir auditif d'entendre James Bond imitant la voix de Saxby, c'est à dire Sean Connery avec la voix française de Roger Moore. Plaisir mitigé quand on sait que c'est cette même voix qui fera l'une des raisons de l'insuccès de Moore auprès de beaucoup de fans...


Un tour de magie plutôt qu'une opération alchimique


Les Diamants sont éternels revient de très loin et a évité le naufrage. Mais il peine à convaincre et laisse derrière lui un plaisir réel mais mitigé. C'est un volet bien en dessous des précédents qui flotte, ne coule pas, mais fait du sur-place.
Les Diamants sont éternels mais Sean Connery, lui, ne l'est pas. Hélas !


28/ 07/ 2016 : 6❤ / 10




15/01/2020: 7❤ / 10



Les plaines de Las Vegas, plus fertiles qu'il n'y paraît !



Très influencé par un énième visionnage et un mainstream Diamants-sont-éternels-bashing des années 2010, ayant alors aussi peu de recul vis à vis du nouveau Blofeld de Christoph Waltz, ma critique de ce volet de James Bond avait été plutôt acerbe, assez juste, mais témoignait de plusieurs défauts: incompréhension majeure d'un parti esthétique de l'oeuvre, méconnaissance de prestations d'acteurs du casting à la même époque ou encore lecture sombre de certains détails opportunistes au service du projet de lecture d'alors.


La clef à tous les problèmes d'abord !
Étrange ce 007 à la fois enragé prêt à venger sa défunte épouse et dans le même temps vite réconforter par la mort provisoire de Blofeld. Observons bien le moindre détail, le moindre détail étant au cinéma signifiant. Les premières secondes du film prennent place dans un appartement traditionnel nippon où, dans un grand fracas surgit Bond à la recherche de Blofeld. On peut décider de lire cette première scène qui ouvre toute une succession de scènes similaires comme arbitraire. On peut s'intéresser à l'allusion au japon en la rapprochant du retour de Connery dans le rôle-titre. Dans le premier cas, Les Diamants sont éternels est la suite d'Au Service Secret de Sa Majesté ett James Bond, ivre de vengeance, traque Blofeld sans pitié, agressant un à un tous les agents du SPECTRE susceptibles de connaître sa cachette. Dans le second cas, Les Diamants sont éternels est plutôt la suite d'On ne vit que deux fois. Au Service Secret de Sa Majesté est alors mis entre parenthèse comme n'ayant jamais existé et James Bond, fraîchement ressorti de la base du SPECTRE caché dans un volcan, traque le Blofeld qu'il vient de rencontrer, responsable de la mort d'Aki et cible de sa précédente mission. Dans un cas, on assiste à la vengeance de Tracy, volontairement atténuée pour laisser les lecteurs du second cas libres d'ignorer les implications d'Au Service secret de Sa Majesté mais un peu faible compte tenu de la vengeance espérée par les spectateurs. Dans un second cas, James Bond revient en force pour une nouvelle aventure, en finissant -pense-t-il - avec sa précédente mission. Il s'agit donc d'un retcon subtil qui permet aux deux publics constitués par la réception d'Au Service Secret de Sa Majesté de suivre sans déplaisir les nouvelles aventures de 007. John Glen s'en souviendra lorsqu'il réalisera Rien que pour vos yeux en réponse à Moonraker. Toute la problématique de continuité fond comme neige au soleil lorsque l'on comprend cette stratégie narrative qui donne au spectateur le pouvoir de concevoir l'histoire selon son goût, laissant à chaque goût sa place. Une stratégie qui serait bienvenue pour la transition entre Daniel Craig et son successeur, que les rumeurs actuelles, à quelques mois de Mourir peut attendre, entrevoient en la personne de James Norton (Grandchester).
Pour ce qui est de Sean Connery et Joseph Fürst, il m'a été donné de voir des métrages de cette époque. Force est d'avouer que Sean Connery souffre de la même baisse de régime chez Sidney Lumet, par exemple, entre La Colline des hommes perdus en 1965 (comme Opération Tonnerre) et Le Gang Anderson de 1971 (comme Les Diamants sont éternels). Une éventuelle période de passage à vide, de traversée morale du désert dont souffre entre autre sa prestation des Diamants sont éternels qui, à y bien regarder, n'est pas si mauvais qu'on en fait souvent état mais qui ne tient pas la comparaison avec Jamais plus jamais, où Sean Connery est plus vieux d'une douzaine d'années ou même de The Offense, que ne sépare des Diamants sont éternels que deux petites années ... Force est également de reconnaître que le Joseph Fürst un peu fou-fou du Docteur Who est un peu une exception dans un ensemble rôles moins souriants et plus secondaires, ensemble auquel appartient le trop grave Dr Metz.
De même, le caractère un peu vulgaire, un peu "Patrick Sébastien" tient du reste d'américanisation à laquelle la saga à échapper du fait du retour messianique de Sean Connery. Cet échantillon effraie et rappelle combien James Bond doit rester fidèle à son ADN (à bon entendeur amateur de l'iconoclasme craigien, salut discret). La britannicité tout de même recouvrée, l'américanisation devient un aspect carte-postale/couleur locale d'une partie de l'Amérique du Nord gagnée à sa sous-culture et ne doit finalement être vu comme un défaut proprement bondien.
Le Blofeld de Charles Gray, s'il reste très problématique, est tout de même l'un de ceux qui est le plus accompagné par son chat (ce qui devrait être reconsidéré par Barbara Broccoli dans l'approche du Blofeld actuel) et rejoint le dandysme du Blofeld caché du duo Dawson-Pohlmann. Il rattrape donc bien certains de ses défauts et, porte-cigare aux doigts, fait aussi un peu penser à Ian Fleming lui-même. Pour ce qui est du chat, Les Diamants sont éternels ont réussi - final excepté - à lui redonner sa juste place autour du Maître du SPECTRE. Un point très fort à prendre en compte. Sans compter la possibilité, pour qui détesterait ce Blofeld, de le considérer comme un pseudo-Blofeld qui serait en réalité le frère de Goldfinger, justifiant d'autant mieux le retour d'un Blofeld chauve à la minerve dans Rien que pour vos yeux.
Enfin, la relecture de ma critique de 2016, dans le cadre de cette réévaluation de sa note,m'a fait bondir sur un point. Comment voir cette chère Miss Moneypenny cupide lorsqu'elle demande à Bond de lui rapporter une bague avec un diamant quand cela suggère en réalité une alliance et une demande voilée en mariage ? Sans doute la volonté d'abonder dans le négatif et un zeste de mauvais fois. Il n'en demeure pas moins que cette scène entre Bond et Moneypenny, introduite sans doute aussi par la suggestion d'une Moneypenny capable de maîtriser un adversaire masculin sur le terrain, est une des meilleures scènes de la saga.
Pour toutes ces raisons et pour ce Sean Connery trompant l'ennemi en se faisant passer pour un couple s'embrassant à lui tout seul - qui continue à me bluffer ! - Les Diamants sont éternels est revu à la hausse !



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le 28 juil. 2016

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Frenhofer

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