Une perle méconnue du cinéma, un bijou remarquable des années 30

Un petit bijou du cinéma d’avant-guerre qui brille par sa construction, son efficacité et bien évidemment les moyens mis au service de notre divertissement.

Les Perles de la Couronne ne tient pas hélas une grande place dans le panthéon du cinéma français. Pourtant, ce chef-d’œuvre de 1937 est une production de type international. Les acteurs italiens et anglais parlent dans leur langue selon le souhait de l’auteur car : « l’idée de faire doubler un grand acteur est une idée bâtarde et un crime en somme ! Et c’est un double crime car c’est le commettre à l’égard de l’acteur et à l’égard du public, c’est méconnaître à la fois l’intelligence du public et la valeur réelle du comédien. Que vous remplaciez la voix d’un figurant par celle d’un autre figurant, soit – mais ne privez pas de l’intonation d’un grand acteur car c’est dans cette intonation qui réside toute sa saveur ».

Une œuvre de type international qui a disposé d’un grand budget, d’un nombre impressionnant de figurants, de décours réels ou carton, de costumes à l’identique des époques évoquées – Guitry y attachait une importance vraiment particulière qu’il précise dans ses causeries que l’on retrouve dans le livre Cinéma –, plusieurs millions, certains disent huit, je crois bien plus, pour un film français en 1937, pensez bien que ce fut inédit.

Applaudissons surtout le scénario, salué et primé par la critique en 1937. Un scénario qualifié d’universel – cela est sans doute exagéré ! Un scénario d’une efficacité remarquable, c’est certain !

D’un point précis, l’histoire des quatre perles de la couronne d’Angleterre, on apprend que ces dernières étaient en fait sept venant d’un collier offert à Catherine de Médicis par Clément VII, qui elle-même l’offrit à Marie Stuart. Or, le jour de la décapitation de la pauvre Stuart, on déroba le collier. L’histoire découpée en deux partie raconte ainsi l’aventure de la constitution du collier puis celle de la quête des trois autres perles poires volées.

Un scénario simple et pourtant bâti comme une immense histoire à tiroirs où personnages historiques et très secondaires accompagnent les pérégrinations des perles, périodes historiques et célèbres encadrent les voyages des bijoux. Et comme un film de Guitry qui n’aborderait pas la vie d’hommes cocus ou de maris trompés, ne serait pas de Guitry mais d’un autre, on retrouve ainsi Raimu, amoureux transit d’une gourgandine, qui, pour sceller sa passion, souhaite offrir un bijou à sa belle ; belle qu’il trouve dans les bras de son amant…

Là encore, on peut critiquer cette facilité scénaristique du Maître qui a force de nous la présenter tient finalement du gimmick… Mais les scènes qui suivent jusqu’au dénouement du film, notamment la scène de la drague par Raimu à Delubac est splendidement, magnifiquement, royalement, savamment, justement menée.

Et l’ensemble : pour une perle du cinéma des années 30, un admirable écrin grâce à un montage savant et efficace, une photographie et une mise en scène d’une très grande modernité et préfigurant déjà les chefs-d’œuvre des années 50, des jeux d’acteur superbes et surtout – surtout ! – l’attention portée au paraître, au vraisemblable, qui au final, préfigure déjà les futures réalisations historiques et les superproductions comme Le Diable boiteux, Si Versailles m’était conté, Napoléon, Si Paris nous était conté…

Les Perles de la Couronne, un classique souvent méconnu que l’on ne peut qu’apprécier pour sa savante et brillante légèreté ainsi que son immense modernité.