A travers l'histoire, le mythe du zombie fut traité de bien des manières, que ce soit dans les romans graphiques, le jeu vidéo, le cinéma, ou encore la télévision. Si la plupart des puristes amateurs de chair en putréfaction ne jurent en général que par les films originaux de George A. Romero, principalement pour leur statut de réquisitoire violent envers la société de consommation, la valeur de divertissement que ces productions peuvent véhiculer n'est pas à omettre, surtout si cet aspect est bien défini. Une bonne histoire de zombie respectera toujours certains points bien précis: Une durée courte, des meurtres extrêmement graphiques utilisant des effets pratiques, et surtout une ambiance lancinante de chaos sanglant et de fin du monde.


Cependant, le film de zombie européen de la dernière décennie représente une exception à bien des égards. Les réalisateurs du vieux continent n'ont généralement pas à répondre aux mêmes restrictions que la majorité du reste du monde (en particulier les États-Unis), ce qui leur offre une liberté créative dont le genre a désespérément besoin.


Depuis maintenant une bonne quinzaine d'années, la figure du zombie connaît un incroyable regain de popularité. Le battage médiatique sans fin accompagnant la plupart de ces productions nous a notamment permis de remarquer une tendance au mélange des genres, surtout en vogue chez les jeunes cinéastes. Que ce soit à travers la comédie (Shaun of the Dead), le tire-larmes (Warm Bodies), le Grindhouse (Planet Terror), ou encore le found-footage (The Bay): Pratiquement aucune zone du paysage cinématographique n'est épargnée par l'infection. Cependant, nous ne parlons ici que de la partie visible de l'iceberg, car le film de zombie est également devenu une victime malheureuse de son propre succès, les tendances ont toujours attisé l'appât du gain, et celle-ci ne fait pas exception à la règle. C'est donc tout naturellement qu'un nombre incalculable de productions de qualité souvent douteuse put voir le jour en parallèle d'une caste plus réduite de films réellement intéressants. Cet état de fait pose inévitablement la question de la pertinence d'un énième film de zombie "hybride", tant le manque d'inspiration des cinéastes concernés se révèle criard en règle générale. Mais ça, c'était avant l'arrivée d'Attack of the Lederhosen Zombies, un très bon exemple de film à petit budget incarnant une réelle proposition de cinéma. Le réalisateur autrichien Dominik Hartl apportant ici toute sa jeunesse et son énergie à un genre manquant bien trop souvent d'idées fraîches et de capacité à se renouveler.


Avant de développer, arrêtons-nous un instant du côté du synopsis:


Franz (Karl Fischer) est hôtelier dans une station alpine autrichienne. Une situation idéale lui permettant, selon lui-même, de concilier plaisir et travail. Cependant, la rentabilité de son activité commence à prendre du plomb dans l'aile avec l'augmentation progressive des températures, la neige venant à manquer lui fait craindre le pire quant à la survie de son entreprise. Pour contrer cela, il développe Solanum, un liquide capable de générer de la neige artificielle. La production massive de ce produit nécessitant l'apport d'un investisseur, Franz fait appel au riche Chekov (Kari Rakkola), l'un de ses clients privilégiés, dans l'espoir d'obtenir un contrat. Malheureusement, la démonstration de son invention tourne au cauchemar lorsqu'un effet secondaire grave se manifeste: Plutôt que de recouvrir totalement les pentes, une partie du liquide commence à transformer les gens en zombies... Parallèlement à ces événements, nous faisons connaissance avec une petite équipe de sportifs présente dans la région pour tourner un clip promotionnel. Composée principalement des snowboardeurs Steve (Laurie Calvert), Branka (Gabriela Marcinková) et Josh (Oscar Dyekjær Giese). Une fois la nuit tombée, tout ce beau monde se retrouve dans le chalet de Rita (Margarete Tiesel), certains dans le but de faire la fête, d'autres pour noyer leur frustration dans l'alcool. Il ne faudra pas attendre longtemps avant de voir arriver les premiers zombies affamés, profitant de l'ivresse des fêtards pour semer la pagaille. Improvisant une stratégie de défense dans l'urgence, nos héros s'arment ainsi de tous les objets leur passant sous la main, des paires de skis aux fûts de bière, en passant par les inévitables motoneiges, dans l'espoir de survivre à cette soirée cauchemardesque…


Pas d'inquiétude, la lecture de ce synopsis ne vous gâchera pas le plaisir du visionnage. En effet, le déroulement scénaristique de ce film ne fait pas de mystère. La plupart des éléments en rapport avec l'apparition des zombies sont révélés peu de temps après le générique d'ouverture, un choix d'écriture permettant à Hartl et son équipe de se concentrer sur l'essentiel pendant tout le reste du film, à savoir emplir l'écran de séquences gores, fun et loufoques.


Débutant par un premier acte joliment filmé bien qu'un peu prévisible, le film accélère de manière impressionnante dès que l'intrigue prend ses quartiers dans la fameuse taverne de Rita, à partir de ce moment, la réalisation de Hartl commence à dévoiler tous ses atouts, à travers une mise en situation savamment pensée pour générer l'hilarité du spectateur, mais également à travers un éclairage aux tons verts et rouges, donnant à ce deuxième acte une qualité visuelle quasi-surréaliste, en fournissant un contraste frappant avec le blanc implacable des montagnes situées à l'extérieur. Cette volonté affichée de faire progresser l'intrigue de façon visuellement marquée continuera par ailleurs lorsque nos protagonistes seront de retour dans le froid glacial de la nuit alpine pour un troisième acte à l'esthétique encore une fois bien distincte. La photographie brillante de Xiaoso Han et Andreas Thalhammer donnant à ce long-métrage une portée réellement incroyable, autant dans la forme que dans le fond.


Mais ce qui rend surtout le film de Dominik Hartl si agréable à suivre reste son refus, durant une bonne partie de son déroulement, de résoudre son intrigue à travers un simple spectacle gore; On observe en effet très peu d'effusions de sang dans les deux premières parties du film, le troisième acte quand à lui, se révèle des plus séditieux, en versant totalement dans le spectaculaire grotesque, atteignant des niveaux de violence tellement absurdes qu'ils en deviennent presque dignes de Braindead. En somme, les gallons de sang déversés ne sont pas la raison d'être du film mais, comme son statut de comédie pouvait le laisser deviner, le massacre intégral devient ici un glorieux gag, créditant le spectateur de quelques moments véritablement ahurissants de carnage. A cet égard, le ton et l'approche comique sont effectivement bien plus comparables aux classiques de Peter Jackson qu'à un film de zombie du 21ème siècle.


Débordant de couleurs rougeoyantes, de plans panoramiques et de pistes musicales radioactives, le film rend de nombreux hommages aux classiques des années 70 et 80, certains plus évidents que d'autres, si tout le monde relèvera une similitude claire avec la vénérable série cinématographique de Goerge Romero, notamment par le biais d'une composition extrêmement évocatrice, induisant un fort sentiment de nostalgie à travers des synthés cristallins et des rythmiques méthodiquement étudiées pour coller aux canons de l'époque, beaucoup passeront cependant à côté des références directes aux films d'adolescents à la John Hugues, notamment Better Off Dead pour n'en citer qu'un.


L'humour, la peur et la référence sont clairement les maître-mots de ce long-métrage, ainsi, les éclaboussures de sang et le découpage de macchabée se voient constamment associés à des blagues meta sur l'univers même du film de zombie. Les personnages étant conscients du monde dans lequel ils se trouvent, l'inévitable question du "comment contrer une épidémie de zombies?" trouvera ici une réponse des plus laconiques: "Cela dépend vraiment du type de film de zombies dans lequel nous nous trouvons", cet aspect constitue un parti-pris toujours intéressant, bien que peu novateur de nos jours.


Contrairement à ce que l'on peut habituellement observer dans une production de ce genre, les principaux protagonistes sont rapidement mis aux prises avec les morts-vivants, devant se résoudre à commencer le massacre d'une façon des plus originales, étant dépourvus d'armes dignes de ce nom. Et c'est bien là l'une des clés du succès de ce film: TOUT objet présent dans le cadre est susceptible d'être utilisé comme une arme, que ce soit dans le bar, dans une salle de bain, dans un hangar de stockage ou, bien évidemment, sur un râtelier à skis. L'inventivité des mises à mort n'a ici aucune limite; Décapiter un zombie avec une planche de snowboard? Pas de problème. Broyer un corps en morceaux avec une souffleuse à neige? Rien de plus facile. Réduire toute une armée de mort-vivants à l'état de bouillie à l'aide d'un calibre 50 de la Seconde Guerre Mondiale? Il suffit de demander à Rita.


Ce qui nous amène donc à aborder le sujet de la fameuse Rita: Au départ présentée comme une barmaid débonnaire avec un goût prononcé pour son propre schnaps, ce personnage subit une rapide transformation lorsque le sang, les viscères et les têtes commencent à voler de part en part. Son potentiel comique est clairement démesuré, Rita fait pleuvoir les balles tout en n'omettant jamais de désaltérer ses clients. Bien aidée en cela par l’interprétation parfaite de Margaret Tiesel, qui donne une véritable chaleur humaine à ce caractère si brillant et singulier. Ce qui n'est évidemment pas une tâche facile lorsque l'on passe la quasi-totalité du métrage couverte de sang et de tripes en décomposition. Faisant figure de véritable atout majeur du film, la charismatique tenancière d'auberge de montagne aux longues tresses blondes et au costume d'usage est rapidement identifiée comme possédant un esprit vif et plein de ressources, bénéficiant notamment d'une écriture intelligente, pensée pour l'élever au statut de véritable personnage principal de l'intrigue, malgré une introduction pour le moins tardive.


Dans l’ensemble, l'écriture des personnages est d’ailleurs généralement sympathique, mais se concentre peut-être trop souvent sur les relations entre les différents protagonistes. Les performances d'acteurs restent quand à elles plutôt solides compte tenu du fait que nous ayons affaire à un casting quasiment inexpérimenté. Cependant, on notera tout de même un effet relativement néfaste de la volonté du réalisateur de tourner son film en deux langues différentes, l'effet comique des dialogues se perdant souvent dans des tentatives de traduction pour le moins hasardeuses. Si la nécessité d'ouvrir le film à un public plus large est compréhensible, il s'agit tout de même d'une production purement européenne dans son approche, et les inflexions incessantes dans la plupart des interactions entre les personnages risqueront de lasser le spectateur avide d'authenticité. En d'autres termes, écrire des conversations entièrement naturelles et non mélangées avec cet espèce de parler "bro" américain aurait probablement été une meilleure idée.


Là où le film fait réellement mouche, c'est avec ses effets de maquillage extrêmement détaillés et sa quantité incroyable de sang déversé. Utilisés par le biais d’une certaine forme de comique de situation, ces effets spéciaux incarnent clairement l’élément décisif du film, celui qui lui donnera sa patte, la réalisation bénéficiant par ailleurs d'un timing impeccable à ce niveau, tout en se laissant le temps d'insérer quelques jeux de mots bien sentis pour détendre l'atmosphère. Si l'on peut être sûr d'une chose, c'est que ce n'est pas à ce niveau que ce film déçoit.


En revanche, plusieurs soucis techniques sautent clairement aux yeux. Certains plans bénéficiant d'une composition numérique partielle de l'environnement sont la cause d'une toile de fond pour le moins inégale. Le montage parfois maladroit entraînera également une certaine confusion dans le déroulement d'une partie de l'intrigue, bien que cela ne nuise pas outre mesure au résultat final.


Dans les faits, Hartl a eu quelques bonnes idées sur lesquelles furent construites l'ensemble de son film. La neige artificielle toxique, les personnages principaux adeptes de sports d'hiver, le découpage de morts-vivants à l'aide d'accessoires de montagne, toute l'action du long-métrage se voit en réalité calquée sur ces quelques éléments. Et l'intrigue en elle-même n'est finalement qu'un immense prétexte destiné à mener le spectateur jusqu'à un dernier acte étonnamment dense malgré sa brièveté. Cela pose tout de même quelques problèmes évidents de rythme, les séquences se suivant ici à la manière d'un enchaînement de sketches de quelques minutes sans réelle cohésion.


La mise en scène bénéficie toutefois d’une qualité bien plus élevée que ce que l'on pourrait espérer à propos d'un film de zombie indépendant. La composition des cadres est généralement inspirée et propose des choix de paysages très variés, dont de magnifiques plans panoramiques des alpes autrichiennes recouvertes de neige, nous permettant ainsi d'admirer certains visuels étonnants pour une production de ce type, tout en donnant un sens large de l'échelle de la nature sauvage entourant nos personnages. Mais dans les faits, cette mise en place ne sert finalement que de prétexte au reste du déroulement scénaristique, au cours duquel nous pourrons notamment observer les extérieurs tomber lentement dans la pénombre, à travers une forêt éclairée à la seule lumière de la lune, le moment de la mise en marche définitive de l'intrigue se signalant quand à lui à grand renforts de travellings aériens et de balayages verticaux particulièrement soignés.


Pour parler un peu plus en détail de ce sujet, le travail d'éclairage se révèle être de tout premier ordre, en particulier dans l'acte d'ouverture, grâce à des scènes tournées en extérieur sous une lumière naturelle. Ce qui ne signifie pas que les séquences nocturnes soient à mettre de côté pour autant. Les scènes d'intérieur notamment, vibrent au rythme de la palette de couleur, avec cet alternance incessante entre les tons rouges et verts. Dans cette optique, les choix de composition de Paul Gallister se révèlent également intéressants. L'identité musicale de ce film tournera ainsi autour d'un synthé inspiré des classiques du film de zombie, alternant également entre plusieurs tons, entre la légèreté joviale et les ambiances plus sombres et inquiétantes.


Mais donc, comment se fait-il que malgré des qualités évidentes, ce film soit passé quasi inaperçu au moment de sa sortie? Outre une distribution assez confidentielle, la réponse se trouve certainement dans son approche globale; Attack of the Lederhosen Zombies fut probablement plombé par sa niaiserie volontaire, qui lui valu d'être catalogué parmi le reste des comédies de zombie génériques des années 2010, dommage car la qualité formelle et les intentions y sont et auraient clairement mérité une meilleure visibilité.


En somme, dans l'univers souvent très sérieux du film de zombie, cette petite comédie possède les attributs parfaits pour apporter un peu de légèreté à un genre au potentiel souvent sous-exploité. Il s’agit, dans les faits, d’un métrage bénéficiant de bon nombre d'idées intéressantes, dont l'intrigue, basée sur une structure en crescendo, se révèle idéale pour tirer le maximum du budget à disposition, en permettant notamment un dernier tiers complètement barré et jouissif, durant lequel les réserves de faux sang sont vidées jusqu'à la dernière goutte. Ce film n'est finalement desservi que par une écriture qui laisse parfois à désirer et un humour qui ne fait pas toujours mouche, ainsi que quelques effets numériques à la qualité parfois douteuse. Mais compte tenu des moyens plus que modestes dont ils disposaient, le travail accompli par Dominik Hartl et son équipe est admirable, et mérite assurément le coup d’œil!

Schwitz
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le 16 juil. 2017

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